Il n'a pas le physique d'une vedette de cinéma, n'a jamais étudié la méthode d'interprétation de l'Actors Studio et n'a pas fréquenté d'école de cinéma. Pourtant, Casey Neistat est une vedette internationale.
Ce cinéaste américain compte 7,2 millions d’abonnés à sa chaîne YouTube, et ses vidéos, dont la plupart le mettent en vedette, comptabilisent plus de 1,6 milliard de vues.
Neistat fait partie de la nouvelle génération de célébrités numériques qui se sont taillé une place sur YouTube, plateforme lancée en 2005 qui permet aujourd’hui à plus d’un milliard de personnes dans le monde de diffuser leur contenu.
Selon Debbie Weinstein, directrice générale des solutions de la marque mondiale YouTube, ce succès est l’exemple parfait du pouvoir démocratique de la plateforme.
« Il s’agit d’une plateforme pour quiconque a une histoire à raconter, dit-elle. YouTube permet d’attirer un immense auditoire. »
Dans ses premières années, YouTube arborait le slogan « Broadcast Yourself » (mets-toi en vedette). Le pouvoir démocratique des vidéos en ligne a transformé le monde de la publicité, du divertissement et des communications mobiles, et pourrait changer la façon dont les entreprises interagissent avec leurs clients.
Auditoire en transformation
Autrefois un « perturbateur de marché », YouTube (propriété de la société Alphabet) fait maintenant partie des médias grand public. Plus d’un cinquième des vidéos mobiles regardées aux États-Unis en 2016 provenaient de YouTube. Des créateurs comme Lilly Singh et PewDiePie y sont devenus célèbres, en particulier auprès des jeunes de moins de 21 ans. Dans certaines régions, YouTube a lancé des versions familiales de son site, qui utilisent des mesures de contrôle du contenu encore plus strictes que celles de son mode restreint par défaut.
Les générations plus âgées passent aussi du temps sur YouTube et d’autres sites de vidéos mobiles. Selon le groupe Nielsen, les Américains de 50 à 64 ans consacrent le tiers de leur temps d’écoute à ces plateformes.
« Ce qui est formidable avec YouTube, c’est que vous pouvez trouver le contenu qui vous intéresse. Tout le monde y trouve son compte », a dit Mme Weinstein aux participants d’un événement #LesInnovateursRBC qui s’est tenu le 31 mai dernier.
Avantages pour le secteur de la publicité
Bien que des réseaux comme NBC, ABC et CBS aiment faire référence aux données démographiques liées à l’âge et au sexe, ce qui intéresse surtout YouTube, c’est ce que regarde chacun de ses utilisateurs. Deux utilisateurs d’origine et d’âge différents peuvent partager le même intérêt pour les reprises acoustiques de Katy Perry et représenter le public cible parfait pour la promotion de son dernier simple.
L’entreprise utilise l’apprentissage machine pour formuler des recommandations élaborées reposant sur les habitudes de navigation d’un utilisateur et utilise ces mêmes données pour diffuser des publicités personnalisées.
« Les signaux qu’une entreprise peut saisir dans le monde numérique lui permettent de trouver les consommateurs à qui elle s’adresse », précise Mme Weinstein.
Connaissance des utilisateurs
La croissance de l’entreprise et de son auditoire s’est répercutée sur le développement de ses relations avec les publicitaires. Mme Weinstein souligne que la démocratisation de la demande de vidéos en ligne exige beaucoup plus d’honnêteté des spécialistes en marketing.
« N’importe qui peut accroître ou diluer l’impact de votre message dans le marché », explique-t-elle.
Les sociétés de marketing doivent connaître la position des clients sur les questions sociales telles que les pratiques d’embauche axées sur la diversité et la responsabilité environnementale.
Pour les publicitaires, la gestion des réactions hostiles possibles en vaut quand même la peine. Les médias ne manquent pas de souligner le coût d’une publicité de 30 secondes au cours du match annuel du Super Bowl, soit cinq millions de dollars américains. À cela, Mme Weinstein répond que YouTube rejoint tous les jours un auditoire aussi vaste que celui du Super Bowl.
Contenu controversé
La dernière controverse qui a touché la plateforme concerne la publicité et le contenu excessif (comme le discours haineux). Plus de 205 entreprises, dont 5 des 20 principaux publicitaires américains, ont dit qu’elles suspendaient ou révisaient leur budget publicitaire YouTube en février et en mars après avoir eu vent que des publicités s’affichaient sur du contenu inapproprié.
Mme Weinstein dit que l’entreprise a revu et élargi ses politiques sur le contenu excessif, mis à jour son système de surveillance par intelligence artificielle et instauré de nouvelles mesures de contrôle pour les publicitaires.
« Nous prenons ce problème très au sérieux et avons investi massivement dans l’ingénierie et les ressources humaines. La technologie comme solution au désordre créé par la démocratie n’est pas chose aisée. »
Complexité des droits d’auteur
Dans les premières années d’existence de YouTube, le défi que posaient les droits d’auteur et la propriété intellectuelle a failli sonner le glas de l’entreprise. L’entreprise a trouvé une solution au téléversement de vidéos par une personne qui ne les a pas produites (que ce soit une émission de télé ou un vidéoclip) : un logiciel complexe appelé Content ID. Cet outil repère automatiquement les œuvres protégées afin de les retirer du Web ou d’attribuer les droits au bon créateur.
Dès le début, l’entreprise a conclu des ententes avec des maisons de disque, dont Universal Music Group et Sony Music Entertainment, pour diffuser de la musique en continu et des vidéoclips officiels sur la plateforme. Ce partenariat est à l’origine du service Vevo. Selon certaines évaluations, c’est maintenant le plus important service de diffusion de musique en continu dans le monde.
« On constate parfois que des diffuseurs ou des créateurs de contenu touchent plus d’argent grâce aux gens qui volent leur adresse IP, à partir de la revendication Content ID qu’ils arrivent à faire, que du téléversement original », fait valoir Mme Weinstein.
Innovation par l’immersion
YouTube a eu plus de mal à conclure des ententes pour le contenu vidéo. L’entreprise doit affronter des rivaux offrant des produits par abonnement, comme Netflix et Hulu, qui ont dépensé des millions de dollars pour obtenir les droits d’émissions acclamées par la critique et produites par des câblodistributeurs ou des réseaux de télé (p. ex. Breaking Bad) et créer des émissions originales (p. ex. House of Cards).
« Bon nombre de ces chefs-d’œuvre sont créés sur Netflix ou Amazon et offerts par l’intermédiaire d’un service payant. Un publicitaire souhaitant véhiculer son message à travers cette expérience et rejoindre cet auditoire ne peut le faire », dit Mme Weinstein.
C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles le pouvoir en ligne de YouTube, deuxième site le plus visité sur le Web, ne protège pas l’entreprise du bouleversement créé par son propre modèle d’affaires.
L’entreprise tente donc maintenant d’imiter l’approche des réseaux traditionnels, en produisant son propre contenu. Elle convoite les émissions et créateurs qui se veulent plus ciblés et adaptés aux publicitaires que le contenu hétéroclite de ses vedettes maison.
Elle investit aussi dans les vidéos à 360°, les vidéos en direct et la réalité virtuelle pour créer un niveau d’immersion sans précédent. Elle diffuse par ailleurs une grande partie du festival de musique Coachella grâce à sa technologie ambiophonique dernier cri.
Mme Weinstein dit que YouTube suit la façon dont les gens regardent des vidéos en ligne, que ce soit sur un ordinateur portable, un appareil mobile et maintenant de nouveau sur des écrans de télé. À l’avenir, nous verrons une différence dans le type de contenu que YouTube adaptera en fonction des appareils. L’entreprise travaillera avec des spécialistes du marketing pour adapter les publicités, que ce soit pour les grands écrans partagés ou les casques de réalité virtuelle.
« Imaginez être dans la première rangée d’un spectacle, mais vraiment dans le feu de l’action. Nous n’avons pas encore vu beaucoup d’efforts de marketing explorer de telles possibilités. »
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