Points saillants
- Les failles de la conjoncture économique ne sont pas assez importantes pour freiner les banques centrales dans leurs hausses des taux
- L’inflation évolue (de façon générale) dans la bonne direction, mais les progrès restent lents
- Le tassement des dépenses de consommation pourrait inciter la Fed et la Banque du Canada à faire une pause à la fin de l’été, mais avec un risque de nouvelles hausses des taux en cas de besoin
- La croissance démographique stimule la demande des consommateurs au Canada
La résilience de la croissance économique et la persistance de l’inflation poussent les banques centrales à relever les taux d’intérêt, en dépit des difficultés causées par la montée des prix et du coût de la dette. En juillet, la Banque du Canada a augmenté le taux du financement à un jour de 25 points de base pour le deuxième mois d’affilée. La Réserve fédérale devrait lui emboîter le pas, avec un relèvement de 25 points de base attendu ce mois-ci après la brève pause de juin. Nous nous attendons à une pause de la Fed et de la Banque du Canada à la suite de ces augmentations, pour peu que l’inflation continue de s’apaiser. La BCE semble prête à relever ses taux de 50 points de base de plus. La Banque d’Angleterre fait exception, car la flambée des prix au Royaume-Uni diverge de la tendance de modération de l’inflation ailleurs dans le monde. La Banque d’Angleterre a accéléré ses hausses de taux d’intérêt avec un relèvement de 50 points de base le mois dernier.
Pourtant, bien que la croissance économique ait mieux résisté que prévu dans la plupart des régions, des signes de ralentissement apparaissent. Les indices PMI révèlent une activité manufacturière plus modérée à l’échelle mondiale, du fait que la demande de biens de consommation s’affaiblit et que la croissance ralentit en Chine. Malgré le recul des risques à court terme dans le secteur bancaire régional américain, les banques continuent de resserrer leurs conditions de crédit. Les taux de défaillance augmentent déjà du côté des particuliers, malgré la vigueur exceptionnelle des marchés du travail, étant donné que la montée des prix et du coût de la dette a réduit le pouvoir d’achat des ménages. D’un autre côté, les taux de chômage ne resteront pas éternellement bas. En effet, la demande de main-d’œuvre continue de montrer des signes de refroidissement.
En fin de compte, les politiques des banques centrales seront dictées par les niveaux actuels et la trajectoire attendue de l’inflation. Et nous voyons augmenter la probabilité que les taux d’intérêt restent élevés plus longtemps que prévu. La croissance des prix a évolué dans la bonne direction (à l’exception notable du Royaume-Uni), mais lentement. Nous avons de bonnes raisons de croire que les banques centrales devront travailler plus dur que par le passé pour maintenir l’inflation à sa cible, au vu des changements structurels à long terme dans l’économie. Nous continuons de penser que le PIB subira de légers déclins au deuxième semestre de 2023 aux États-Unis et au Canada. Les taux de chômage ont déjà commencé à grimper dans les deux pays (de 0,2 et 0,4 point de pourcentage en juin, respectivement, par rapport au creux de plusieurs décennies observé au printemps). Toutefois, à en juger par l’inflation tenace liée à la demande persistante des consommateurs, nous estimons que la Fed ne commencera pas à baisser ses taux d’intérêt avant le deuxième trimestre de l’année prochaine, et que la Banque du Canada attendra un trimestre de plus pour suivre son exemple.
Central bank bias
Banque centrale
Taux directeur actuel(Dernier changement)
Prochain changement
BdC
5,00%
+25 pb en juill. 2023
+0 bps
en sept, 2023
Fed
5,00-5,25%
+25 pb en mai 2023
+25 bps
en juill. 2023
Banque d’Angleterre
5.00%
+50 pb en juin 2023
+25 bps
en juill. 2023
BCE
3,50%
+25 pb en juin 2023
+25 bps
en juill. 2023
BRA
4,10%
+0 pb en juill. 2023
+ 25 bps
août 2023
L’inflation a ralenti. Mais pas assez vite
La croissance de l’IPC global a fortement ralenti au Canada et aux États-Unis, les prix de l’énergie se situant bien en deçà des niveaux d’il y a un an. Toutefois, dans l’ensemble, la montée des prix demeure supérieure aux taux cibles. Les banques centrales surveilleront en particulier les tensions inflationnistes sur leurs marchés intérieurs (principalement dans le domaine des services, qui sont moins sensibles aux variations des prix mondiaux des marchandises), et resteront à l’affût de signes indiquant que la décélération de la montée des prix pourrait perdurer.
Les tensions inflationnistes plus générales, portées par le marché intérieur, se sont aussi apaisées. L’inflation des États-Unis a affiché un repli surprenant en juin avec un brusque ralentissement de la croissance des prix des services, à l’exception des coûts du logement (une donnée que les responsables de la Réserve fédérale surveillent de près). La croissance des loyers résidentiels a gonflé la croissance de l’inflation de base (hors alimentation et énergie) aux États-Unis. Mais l’inflation devrait continuer à ralentir, du fait que le ralentissement de la croissance des loyers aura un effet à retardement sur le marché à mesure que les baux seront renouvelés. Les taux d’inflation du Canada subissent de plus en plus l’effet direct de la hausse des taux d’intérêt, par l’entremise des intérêts hypothécaires plus élevés. Cependant, les mesures utilisées par la Banque du Canada pour évaluer les prix (IPC-tronq et IPC-méd, conçues pour être de meilleurs indicateurs des pressions inflationnistes sous-jacentes à long terme) oscillent toujours autour de 3 ½ % sur une base annualisée pour les trois derniers mois, parallèlement à une croissance plus forte des prix des services « de base » hors logement.
Le taux de l’inflation globale a également pris un tournant en Europe et au Royaume-Uni. Plus inquiétant encore, l’inflation de base s’est montrée beaucoup plus persistante, et elle a particulièrement accéléré au Royaume-Uni. La dernière réunion de la BCE en juin a donné lieu à une révision à la hausse des perspectives d’inflation à moyen terme, et la présidente Lagarde a commenté qu’une nouvelle hausse des taux de 25 points de base était à prévoir pour juillet. Néanmoins, la dernière série de données économiques englobant les ventes au détail, la production industrielle et les indices des directeurs d’achats montre des signes d’essoufflement.
La montée des salaires explique partiellement l’accélération de l’inflation de base au Royaume-Uni, ajoutée à l’augmentation des coûts liée au Brexit. Face à la persistance des pressions inflationnistes, la Banque d’Angleterre a porté son taux d’escompte à 5 % par le biais d’une hausse importante de 50 points de base en juin, ce qui représente une nouvelle accélération par rapport au rythme de 25 points de base en vigueur depuis mars. Les prévisions sont demeurées inchangées, car les pressions persistantes sur les prix entraîneront de nouvelles hausses de taux. La persistance de l’inflation et l’intensité des activités de service sur les marchés intérieurs en dehors du Royaume-Uni devraient servir de mise en garde aux autres banques centrales mondiales.
La consommation est-elle à bout de souffle ?
Les ménages n’ont pas encore cédé à la pression de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation. Cependant, la croissance des dépenses a ralenti. Les taux de défaillance sur les crédits de consommation (dette non immobilière) ont augmenté, bien que le taux de chômage demeure au plus bas depuis plusieurs décennies. Les dépenses restent artificiellement gonflées par la demande accumulée lors de la pandémie – les achats de services discrétionnaires demeurent soutenus et les achats d’automobiles augmentent à mesure que l’offre de véhicules s’améliore, après des années de pénurie. Cela dit, la demande de main-d’œuvre continue de ralentir à mesure que l’effet à retardement des hausses de taux d’intérêt se fait sentir.
Au Canada, les charges d’intérêts hypothécaires ont augmenté de 30 % par rapport à l’an dernier, et les remboursements exigés étaient déjà proches d’un niveau record par rapport aux revenus nets au premier trimestre. Nous observons des signes que ces versements hypothécaires plus élevés se traduisent par des coupes dans les autres dépenses. Les taux de défaillance sur les prêts non hypothécaires (les consommateurs ont tendance à rembourser les hypothèques avant tout autre prêt) dépassaient de nouveau les niveaux d’avant la pandémie au premier trimestre. Les marchés du travail extrêmement solides continuent de soutenir les dépenses de consommation, mais le taux de chômage a commencé à grimper au Canada. Nous pouvons nous attendre à un nouvel affaiblissement. La demande de main-d’œuvre devrait en effet baisser davantage, ce qui entraînerait des pertes d’emplois affectant le pouvoir d’achat des ménages.
Au Canada, la croissance démographique stimule la croissance économique
La croissance démographique du Canada en fait un pays à part : l’augmentation des objectifs migratoires du gouvernement fédéral et l’arrivée massive de non-résidents permanents titulaires de permis de travail ont fait grimper la population totale de 3 % par rapport à l’an dernier, au premier trimestre de 2023. Une partie de l’augmentation de la population est temporaire. Par exemple, les arrivées devraient ralentir une fois que les retards accumulés dans les demandes de visa seront résorbés. Toutefois, les taux d’immigration resteront élevés, ce qui implique que la croissance démographique du Canada devrait s’accélérer à un moment où celle des autres pays ralentira. En effet, la croissance démographique du Canada semble en bonne voie pour dépasser celle du reste du monde d’ici la fin de la décennie – en incluant la plupart des autres économies avancées, ainsi que les grandes économies des marchés émergents comme la Chine et l’Inde.
Toute augmentation de la population au-delà d’un certain point pourrait faire chavirer le navire. Certes, l’augmentation de la main-d’œuvre disponible aide à pourvoir les postes vacants lorsque les pénuries de travailleurs pèsent sur l’économie, et contribue à renforcer la capacité de production. D’un autre côté, chaque nouvel arrivant est un consommateur qui ajoute à la demande de biens et de services. Et la population récemment arrivée pourrait être moins sensible aux variations de taux d’intérêt, parce qu’il y a moins de propriétaires de maisons parmi les nouveaux arrivants.
La forte croissance démographique fait déjà une différence. Si la croissance des dépenses de consommation s’est avérée plus forte que prévu au premier trimestre, c’est notamment parce que l’économie compte plus de consommateurs. Les volumes de dépenses (sans tenir compte de l’incidence des prix) par personne étaient quasiment inchangés au premier trimestre par rapport aux niveaux d’avant la pandémie, ce qui montre que les ménages sont davantage gênés par la hausse des prix et des coûts d’emprunt que ce que suggèrent les statistiques de croissance globale.
Et les marchés du logement (où l’offre de logements tarde à augmenter pour répondre à l’accroissement de la demande) ont touché le fond plus tôt que prévu.
La croissance de l’emploi est demeurée très vigoureuse en 2023 par rapport aux données historiques. Cependant, il semblerait que les nouveaux participants à la population active s’intègrent moins vite à la main-d’œuvre, comme le suggère le taux de chômage qui a augmenté de 0,4 point de pourcentage en mai et juin. Parallèlement, la croissance des salaires a ralenti, comme en témoignent les rapports selon lesquels les pénuries de main-d’œuvre deviennent moins aiguës.
Une croissance démographique plus rapide peut-elle faire barrage à une récession ? Nous ne le pensons pas, car nous avons vu suffisamment de signes indiquant que le tassement des dépenses de consommation contrebalançait les avantages liés à la croissance démographique. Toutefois, le repli du PIB que nous attendons a plus de chances d’être modéré, si nous comparons avec les antécédents historiques.
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