Perspectives provinciales – Mars 2022

Les économies provinciales sont sur le point de sortir d’une période de conditions particulièrement anormales. Les restrictions seront bientôt éliminées – si ce n’est pas déjà fait – et, à moins qu’un nouveau variant menaçant du coronavirus apparaisse, la reprise économique sera complète d’un océan à l’autre et se propagera aux secteurs à forte proximité physique des services, qui ont été durement touchés. Toutefois, la période qui nous attend ne ressemblera vraiment pas à l’« ancienne normalité ». Les modes de consommation, d’épargne et d’investissement ont fondamentalement changé, de même que les attentes des Canadiens en matière d’emploi. L’inflation (qui atteint un sommet inédit depuis une trentaine d’années) présente de nouveaux défis. De plus, l’invasion de l’Ukraine par la Russie vient intensifier l’incertitude à l’égard des perspectives mondiales, dans un contexte de flambée des prix des marchandises. Néanmoins, nous prévoyons que toutes les économies provinciales poursuivront leur croissance en 2022, mais à un rythme moins rapide qu’en 2021 pour la plupart d’entre elles ; seules l’Alberta et la Saskatchewan verront leur croissance s’accélérer grâce au redressement du secteur de l’énergie et au rebond de l’agriculture.

L’Alberta (+5,8 %) et la Saskatchewan (+5,7 %) dominent notre classement de la croissance en 2022, suivies de la Colombie-Britannique (+4,3 %) et de l’Ontario (+4,2 %). Les provinces de l’Atlantique arrivent au bas du classement, en grande partie du fait que leur expansion est plus avancée.

La forte hausse des prix des marchandises avantage l’Ouest canadien

Depuis la parution de numéro de décembre des Perspectives provinciales, nous avons révisé en forte hausse notre hypothèse pour les prix du pétrole brut, de 39 % à 103 $ US le baril dans le cas du WTI. Les récents événements géopolitiques laissent entrevoir des possibilités de hausse encore plus forte. Selon nous, l’économie de l’Alberta, fortement tributaire du secteur énergétique, devrait tirer parti de la hausse des prix de l’énergie. Nous avons par conséquent augmenté notre prévision de croissance du PIB réel de 1,1 point de pourcentage. L’économie de la Saskatchewan devrait aussi être stimulée par l’explosion des prix de l’énergie, de même que celle des prix des céréales (dans la mesure où la production des cultures et les conditions seront meilleures que l’an dernier). Les répercussions devraient toutefois être négatives pour les provinces consommatrices de pétrole.

Accroissement des dépenses en immobilisations à l’échelle du pays

Une enquête sur les intentions d’investissement montre que les entreprises et les administrations publiques projettent d’augmenter sensiblement leurs dépenses en immobilisations dans l’ensemble du pays. La seule province où celles-ci devraient reculer modestement est celle de Terre-Neuve-et-Labrador. Les augmentations les plus importantes sont attendues en Saskatchewan, en Nouvelle-Écosse et au Québec, ce qui procure à ces provinces des assises solides pour la poursuite de leur croissance économique.

Essor de la construction résidentielle dans les provinces de l’Atlantique

Étant donné que la demande de logements est historiquement forte et que l’offre est extrêmement faible, les constructeurs résidentiels devraient être particulièrement occupés dans la plus grande partie du pays au cours de la prochaine année. La hausse de l’immigration – le Canada a relevé sa cible de 10 000 personnes pour la porter à 411 000 en 2022 – intensifiera les pressions pour l’augmentation de l’offre de logements. Cette situation sera exacerbée par la forte migration interprovinciale dans les régions côtières, en particulier dans les provinces de l’Atlantique, où le logement est relativement abordable. Nous croyons que les mises en chantier augmenteront le plus en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Nous sommes d’avis que le relèvement des taux d’intérêt refroidira graduellement l’ardeur des acheteurs dans le courant de l’année, ainsi qu’en 2023.

Le resserrement du marché du travail sera généralisé alors que la vague Omicron s’estompe

Les répercussions du variant Omicron sur les économies provinciales ont été moins marquées que celles des vagues précédentes durant la pandémie. Les taux de chômage sont demeurés inférieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie en Nouvelle-Écosse, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique et au Manitoba, et ont modestement grimpé au Nouveau-Brunswick, au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador. Autrement dit, l’étroitesse des marchés du travail a persisté tout au long de la vague Omicron. Les dépenses de consommation ont aussi maintenu la cadence. Les données de RBC sur les dépenses des titulaires de cartes font ressortir des tendances largement supérieures à ce qu’elles étaient avant la pandémie, notamment en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, où la hausse des dépenses est la plus rapide depuis le début de l’année.

L’inflation compte parmi les principales préoccupations pour toutes les provinces en 2022

La flambée des prix des marchandises et des logements, le dérèglement des chaînes logistiques ainsi que la forte demande de biens et de services ont fait grimper l’inflation à des niveaux jamais vus depuis des décennies. Nous nous attendons à ce que l’inflation soit l’une des principales préoccupations dans tout le pays cette année. Selon nos prévisions, l’inflation dépassera largement la cible de 2 % de la Banque du Canada dans toutes les provinces ; la pire situation à cet égard sera vécue dans les provinces maritimes, alors que les provinces de l’Ouest seront les moins touchées. Nous nous attendons à ce que l’inflation recule et se rapproche de sa cible en 2023.

L’Ouest canadien mène le bal

Dans l’ensemble, la hausse des prix des marchandises favorisera les économies des provinces de l’Ouest en 2022. Selon nous, l’Alberta affichera le taux de croissance le plus élevé du pays et connaîtra sa plus forte expansion depuis 2021. La solide croissance prévue en Alberta et en Saskatchewan est en partie attribuable au plus grand retard à rattraper après les deux coups durs que représentent le début de la pandémie et l’effondrement du prix du pétrole. La normalisation présumée des conditions météorologiques et de l’état des cultures cette année devrait aussi aider la production agricole à se remettre de la sécheresse dévastatrice de l’an dernier, surtout en Saskatchewan. Nous prévoyons une croissance rapide de l’économie de la Colombie-Britannique, qui raflera la troisième place dans notre classement. La Colombie-Britannique affiche la croissance de l’emploi et des dépenses de consommation la plus vigoureuse au pays. Les dépenses en immobilisations prévues, qui atteignent des records (7 % au-dessus des niveaux de 2021), continueront de donner un coup de pouce appréciable à la province. Le Manitoba devrait tirer parti de l’envolée des prix du canola et du blé (qui ont atteint un sommet en 14 ans), de même que des graves perturbations possibles de la production agricole en Europe, qui dynamiseront la demande visant ces produits. Nous prévoyons une progression de 4,1 % pour l’économie du Manitoba cette année, soit un peu moins que sa croissance de 4,5 % en 2021.

En 2022, le Centre du Canada récupérera les pertes causées par la pandémie

Même si la vague Omicron a entraîné la mise en place de nouvelles restrictions en Ontario et au Québec au début de 2022, les données de RBC sur les titulaires de cartes montrent que les dépenses sont restées largement supérieures aux niveaux antérieurs à la pandémie dans ces deux provinces. Nous nous attendons à ce que la levée des restrictions donne lieu à une reprise de l’activité dans les secteurs des services à forte proximité physique. Le redémarrage récent de la production à l’usine de General Motor à Oshawa devrait stimuler le secteur manufacturier de l’Ontario, même si les perturbations des chaînes logistiques continuent de poser problème. Nous entrevoyons une croissance de 4,2 % pour l’économie de l’Ontario en 2022, soit un chiffre identique à celui de 2021 et tout juste en deçà de la moyenne nationale (4,3 %). Pour le Québec, nous prévoyons une croissance économique de 3,6 % faisant suite à une progression de 5,8 % en 2021, la plus forte au pays. Les intentions de dépenses en immobilisations en 2022 sont grandes dans les deux provinces et devraient augmenter plus rapidement que la moyenne nationale.

Une reprise plus avancée dans les provinces de l’Atlantique

Les provinces de l’Atlantique profitent d’une vague de migration intérieure qui favorisera une solide croissance de la population au cours de la prochaine année. L’accessibilité relative du logement représente un attrait de taille pour la région. Toutefois, l’explosion de la demande au moment où l’offre de biens immobiliers résidentiels est limitée complique la situation des acheteurs de la région. Selon nous, la vigueur de la construction résidentielle, surtout en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, devrait contribuer à atténuer la faiblesse de l’offre dans la région. Les capacités excédentaires de l’économie imputables à la pandémie semblent s’être complètement résorbées dans les provinces maritimes l’an dernier. En 2021, l’emploi est revenu à ses niveaux d’avant la pandémie et les dépenses de consommation se sont fortement redressées. Le resserrement du marché du travail prédomine (bien que les taux de postes vacants demeurent inférieurs à ceux des autres provinces), et l’inflation dans l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick est supérieure à la moyenne nationale. La levée des restrictions devrait redonner de la vigueur à l’activité touristique et permettre une poursuite de l’expansion. Toutefois, puisque les provinces maritimes se trouvent à une étape avancée de leur reprise, leur croissance sera moins impressionnante que celle enregistrée l’an dernier. Selon nous, l’Île-du-Prince-Édouard (2,7 %), le Nouveau-Brunswick (2,6 %) et la Nouvelle-Écosse (2,6 %) arriveront dans la partie inférieure de notre classement de la croissance en 2022, ce qui ne devrait pas être considéré comme un signe de faiblesse.

L’activité à Terre-Neuve-et-Labrador mettra plus de temps à revenir aux niveaux antérieurs à la pandémie. Nous croyons que cette province sera complètement remise de la récession en 2023, soit plus tard que dans les autres provinces. La baisse des dépenses en immobilisations attribuable à l’achèvement d’importants projets représente l’un des principaux obstacles auxquels la province est confrontée. Par conséquent, nous prévoyons une croissance de l’emploi inférieure à la moyenne. Les perspectives démographiques sont aussi moins favorables que dans d’autres régions du pays, ce qui nuit à la demande de biens et de services. Nous prévoyons une progression de l’économie provinciale de 2,5 % cette année, soit un peu moins que sa croissance de 3,0 % en 2021.

 

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About the Authors

Robert Hogue fait partie du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale au sein des Services économiques RBC. Il est responsable de la production d’analyses et de prévisions sur le marché canadien du logement et l’économie des provinces. Parmi ses publications, on trouve des titres tels que Perspectives provinciales et Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, ainsi que des commentaires sur les budgets provinciaux.

Carrie Freestone est économiste à RBC. Elle produit des analyses sur le marché du travail et est membre du groupe d’Analyse régionale, où elle contribue à l’établissement des perspectives macroéconomiques de la province.

 

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.