Perspectives provinciales – Juin 2022
Cette année, les économies provinciales vont tirer profit de la levée de la quasi-totalité des restrictions liées à la pandémie, mais cela n’entraînera pas nécessairement une hausse de la croissance. Dans les faits, nous nous attendons à un ralentissement de la croissance dans une faible majorité des provinces. En effet, la capacité excédentaire de l’économie, observée précédemment, est entièrement absorbée et les mesures de relance ont été réduites. Certains problèmes apparus pendant la pandémie (p. ex., perturbations de la chaîne d’approvisionnement) vont continuer de poser des défis, tandis que la montée en flèche de l’inflation est en passe de devenir une source de stress majeure pour les entreprises et les ménages d’un bout à l’autre du pays.
Selon nous, les économies provinciales tributaires de la production de marchandises sont celles qui s’en sortiront le mieux (à l’exception de Terre-Neuve-et-Labrador). L’essor des marchés mondiaux de marchandises va générer une activité considérable dans le secteur primaire.
Même si l’année 2022 semble apporter son lot de contrastes pour les provinces, nous prévoyons de la croissance partout. Selon nous, les plus forts taux de croissance seront enregistrés en Saskatchewan (+6,0 %), en Alberta (+5,7 %) et au Manitoba (+4,8 %). La Colombie-Britannique (4,2 %), l’Ontario (4,1 %) et le Québec (3,6 %) suivront la marche, tandis que les provinces de l’Atlantique se retrouveront à la traîne. Le niveau plus avancé de la reprise dans ces provinces explique le retard de croissance.
Les provinces des Prairies doivent regagner plus de terrain que prévu
La publication par l’industrie des chiffres provisoires du PIB pour 2021 a apporté son lot de surprises. La croissance s’est avérée plus élevée que prévu dans les provinces maritimes, en Colombie-Britannique et en Ontario. Dans les provinces maritimes, la progression a été généralisée, avec des gains notables dans les secteurs de l’agriculture et de la construction. L’Ontario et la Colombie-Britannique ont réalisé d’importants gains grâce à un rebond significatif du secteur des soins de santé et l’intensification de l’activité dans les secteurs de l’immobilier et des services professionnels.
Et surtout, la sécheresse sévère a frappé le secteur agricole des provinces des Prairies plus durement que ce que nous pensions. La Saskatchewan a été la plus fortement touchée et son économie a connu une légère contraction l’année dernière. La croissance du Manitoba (1,2 %) reste faible en comparaison de nos précédentes prévisions (4,5 %). Les deux provinces devraient connaître un rebond significatif si les conditions météorologiques s’approchent de la normale cette année.
L’inflation, un problème majeur partout au Canada
L’inflation demeure au centre des préoccupations dans tout le pays, et plus particulièrement dans les provinces maritimes, au Manitoba et en Ontario. La hausse des coûts de l’énergie pèse lourdement sur les habitants des Maritimes. En effet, la flambée des prix du carburant a une incidence démesurée sur les coûts de chauffage domestique. En outre, la hausse des prix de l’immobilier engendre des coûts de logement plus élevés, surtout au Manitoba et en Ontario. L’inflation est relativement plus faible dans l’Ouest du Canada et à Terre-Neuve, même si elle demeure à son niveau le plus élevé depuis la mise en place de la politique de ciblage de l’inflation. Cela s’explique en partie par des hausses plus modérées du nombre de logements en location et en propriété. Plus tard cette année, nous prévoyons une baisse graduelle du taux d’inflation partout au Canada, alors que les prix de l’énergie se stabilisent, la hausse des taux d’intérêt modère la demande des consommateurs et le ralentissement du marché immobilier réduit la pression sur les coûts du logement.
Dans de nombreuses régions du Canada, le logement est de moins en moins un catalyseur
Au printemps, les premiers signes du ralentissement du marché immobilier ont été observés dans certaines régions de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et du Québec. Selon nous, la hausse des taux d’intérêt devrait continuer de limiter les activités de revente de maisons au cours des mois à venir et le ralentissement devrait toucher d’autres régions. Le recul rapide de l’accessibilité à la propriété, surtout sur les marchés les plus coûteux du Canada, va rendre de plus en plus difficile le maintien des prix immobiliers observés récemment. Dans les faits, nous croyons que les prix des maisons ont déjà atteint un point d’inflexion sur plusieurs marchés en Ontario et en Colombie-Britannique. Le ralentissement de l’activité va réduire le fort impact du secteur du logement sur la croissance économique observée durant la pandémie. Nous prévoyons que le ralentissement se fera le plus ressentir en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et en Colombie-Britannique, où les reventes de maisons ont très fortement chuté en 2021. Le maintien d’une demande solide pour la construction de nouveaux logements va atténuer l’effet du ralentissement. Nous prévoyons une hausse des nouveaux chantiers dans les provinces de l’Atlantique et des Prairies. Dans les autres régions, les nouveaux projets vont rester solides par rapport aux niveaux historiques, malgré un recul par rapport aux sommets atteints durant la pandémie.
Les marchés de l’emploi se resserrent partout
Le resserrement des marchés de l’emploi continue de poser d’importants défis aux entreprises et d’empêcher la reprise complète de certains secteurs, dont l’hôtellerie et le tourisme, où le nombre de postes vacants se maintient à des sommets records. La solution passera en partie par des partenariats provinciaux avec le gouvernement fédéral pour la mise en place de services de garderie au coût de 10 $ par jour ainsi qu’une hausse des cibles d’immigration. Il est toutefois peu probable que ces mesures règlent complètement la situation à court terme. À l’ère post-pandémique, l’immigration s’accélère déjà, surtout dans les régions côtières du Canada. En Colombie-Britannique, l’immigration a plus que doublé en 2022 par rapport aux niveaux d’avant la pandémie. Dans les provinces de l’Atlantique, les cibles d’immigration fixées par Ottawa pourraient contribuer à accroître la taille de la population de 4 % au cours des trois prochaines années.
L’essor des marchés des marchandises est de bon augure pour l’Ouest du Canada
La solidité de la demande mondiale et des prix des marchandises stimulent considérablement les perspectives de l’Ouest canadien. Dans le secteur agricole, les recettes sont déjà à un niveau élevé (en raison des prix de production élevés) malgré des rendements en baisse l’année dernière. Pour cette année, les perspectives s’annoncent positives : le total de la superficie ensemencée pour les principales cultures coïncide avec les moyennes historiques dans les Prairies. Cette année, si les conditions météorologiques sont favorables, la Saskatchewan devrait annoncer une remontée considérable de la production agricole, après une chute extrême en 2021. Nous prévoyons également que la production agricole plus soutenue entraînera une hausse de la croissance économique globale au Manitoba et en Alberta.
L’essor considérable des marchés mondiaux de l’énergie profite davantage à l’économie de l’Alberta. Bien qu’à ce jour, la production de brut dans la province soit sensiblement identique au niveau de l’année dernière, la valeur des exportations d’énergie est en hausse de 50 % en raison de prix plus élevés. La hausse des revenus successive va stimuler les investissements et les dépenses dans la province. Après les difficultés considérables rencontrées depuis 2015 (notamment deux crises pétrolières et de fortes récessions), les astres s’alignent enfin sur l’économie de l’Alberta en faveur d’une solide expansion.
En Colombie-Britannique, les dépenses en immobilisations dans le secteur des ressources naturelles (y compris la construction d’un important projet de GNL) vont continuer de jouer un rôle clé dans la croissance de la province.
Croissance modérée dans le centre du Canada
Cette année, nous prévoyons un ralentissement de la croissance dans le centre du Canada (elle restera toutefois bien supérieure au taux moyen d’avant la pandémie) notamment en raison du ralentissement des marchés immobiliers. Selon nous, l’activité résidentielle devrait diminuer en Ontario et au Québec après avoir atteint des niveaux records (et insoutenables) en 2021. Une inflation élevée et des taux d’intérêt en hausse vont poser de plus en plus de problèmes aux consommateurs et aux entreprises. En tant que consommateur net d’énergie, le centre du Canada sera impacté négativement par les prix élevés du pétrole et du gaz. Outre l’inflation, les fabricants sont également confrontés à de nombreux problèmes de main-d’œuvre et de chaîne d’approvisionnement. Il est peu probable que ces problèmes disparaissent rapidement, ce qui représente un frein à la production manufacturière à court terme.
Les provinces maritimes amorcent la prochaine étape de la reprise, tandis que Terre-Neuve est à la traîne
Nous avons revu à la baisse nos prévisions de croissance pour les provinces de l’Atlantique en 2022. En effet, la solide reprise des provinces maritimes en 2021 laisse moins de terrain à rattraper dans les mois à venir. La croissance de la région devrait être inférieure à la moyenne nationale. À Terre-Neuve-et-Labrador, la baisse de la production de pétrole brut et des dépenses en immobilisations va continuer de peser lourdement sur l’économie provinciale, d’où une faible croissance et une reprise incomplète. La production de pétrole exploité en mer a chuté dans tous les grands champs de pétrole, alors que Terra Nova doit rester à l’écart jusqu’à l’automne. Cet été, la reprise du tourisme devrait continuer de soutenir les dépenses dans le secteur de l’hôtellerie. Les provinces de l’Atlantique continuent de bénéficier de l’essor des migrations interprovinciales et internationales. Selon nous, ce flux de nouveaux migrants est un signe de la vigueur retrouvée de l’économie.
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À propos des auteurs
Robert Hogue fait partie du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale au sein des Services économiques RBC. Il est responsable de la production d’analyses et de prévisions sur le marché canadien du logement et l’économie des provinces. Parmi ses publications, on trouve des titres tels que Perspectives provinciales et Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, ainsi que des commentaires sur les budgets provinciaux.
Carrie Freestone est économiste à RBC. Elle produit des analyses sur le marché du travail et est membre du groupe d’Analyse régionale, où elle contribue à l’établissement des perspectives macroéconomiques de la province.
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