Les droits de douane réciproques tant attendus annoncés par les États-Unis sont importants et de grande envergure, mais ils exemptent (du moins pour l’instant) le Canada et le Mexique dans le cadre de l’accord commercial ACEUM/AEUMC.

L’annonce prévoit un taux de droits de douane minimal de référence de 10 % pour tous les pays à compter du 5 avril, mais des taux de droits de douane nettement plus élevés seront imposés à certains pays à partir du 9 avril, en particulier ceux qui représentent l’essentiel du déficit commercial des États-Unis. Il s’agit notamment d’une hausse de 34 % des droits de douane sur les importations en provenance de Chine, de 26 % sur celles en provenance d’Inde, d’un énorme 46 % sur les importations en provenance du Vietnam et de 20 % sur celles en provenance de l’Union européenne.

Les droits de douane sur les importations en provenance du Canada devraient encore augmenter jeudi. Les droits de douane sur les automobiles annoncés la semaine dernière porteront encore le taux moyen de droits de douane des États-Unis sur les importations en provenance du Canada à environ 3,5 %, contre 2,5 % selon nos calculs. Cette hausse aura toujours de l’importance, mais elle semble faible maintenant par rapport aux droits de douane considérablement plus élevés qui devraient être imposés à d’autres pays.



Une hausse plus faible du taux de droits de douane est favorable au Canada en termes relatifs et élimine ce qui a incité de plus en plus les importateurs américains à acheter des marchandises provenant d’autres régions. Toutefois, la situation ne sera guère réconfortante si les droits de douane globaux sont suffisamment élevés pour réduire la demande américaine et le marché total des importations aux États-Unis.

Les annonces antérieures de droits de douane ont été considérablement modifiées ou annulées quelques jours (voire quelques heures) après avoir été publiées, et il est fort possible que les droits de douane annoncés aujourd’hui soient différents dans une semaine. Or, si les mesures annoncées aujourd’hui sont mises en œuvre, le taux moyen de droits de douane à l’importation aux États-Unis dépasserait 20 %, selon nos estimations, soit le taux le plus élevé depuis plus d’un siècle.



L’annonce d’aujourd’hui ne sera pas la dernière de l’administration américaine en matière de commerce et nous continuerons à nous appuyer sur notre plan de match sur les droits de douane pour évaluer l’incidence de ces annonces sur l’économie canadienne.

L’ampleur des hausses de droits de douane accroît les risques de baisse de la croissance et des chaînes logistiques aux États-Unis

De façon générale, nous avons déjà fait valoir que les acheteurs américains auront du mal à trouver des produits nationaux pouvant remplacer les importations. Une vague de départs à la retraite et une réduction de l’immigration limitent l’augmentation de la production américaine à court terme, et les dépenses en immobilisations nécessaires pour « relocaliser » la production manufacturière demanderont des années et des milliards.

Compte tenu de ces contraintes à court terme sur la capacité de production nationale des États-Unis, l’incidence des droits de douane dépend en grande partie de la disponibilité de marchés d’importation de remplacement moins chers. Par rapport à d’autres pays, le Canada semble aujourd’hui beaucoup mieux placé en matière de droits de douane à l’importation qu’hier. Néanmoins, la question se pose de savoir si le montant total des droits de douane imposés sera suffisamment élevé pour affaiblir considérablement la croissance économique des États-Unis et réduire la taille de l’ensemble des importations.

En outre, même si la majeure partie des échanges commerciaux du Canada se fait directement avec les États-Unis, les perturbations de la chaîne logistique qui ont suivi l’assouplissement des confinements liés à la pandémie nous rappellent que les perturbations mondiales peuvent se répercuter sur la production et la croissance des prix au Canada.
L’économie américaine est beaucoup moins sensible aux échanges commerciaux que bon nombre de ses partenaires commerciaux (dont le Canada), et nous ne prévoyons pas de récession pour ce pays. Cependant, les hausses de droits de douane, les difficultés liées aux réductions des dépenses publiques et la baisse de l’immigration sont autant de signaux d’alerte dans les perspectives économiques des États-Unis.

L’incertitude commerciale n’est pas près de disparaître

Avec ou sans mesures de droits de douane supplémentaires, l’incertitude commerciale menace de ralentir les dépenses des consommateurs et des entreprises.

Jusqu’à présent, notre suivi des dépenses de consommation au Canada se maintient nettement mieux que la confiance des consommateurs. Par ailleurs, les ventes de véhicules automobiles ont fortement augmenté au Canada et aux États-Unis, probablement en partie en raison de la précipitation des consommateurs face à d’éventuelles hausses des droits de douane sur les automobiles.

Cependant, nous prévoyons que les investissements des entreprises au Canada resteront faibles, quelles que soient les mesures de droits de douane supplémentaires.


Nathan Janzen est économiste en chef adjoint. Il dirige le groupe d’analyse macroéconomique. Il s’intéresse principalement à la situation macroéconomique du Canada et des États-Unis, qu’il analyse et pour laquelle il formule des prévisions.

Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les analyses macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions pour les principaux indicateurs, notamment le PIB, l’emploi et l’inflation au Canada et aux États-Unis.

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