L’économie canadienne demeure en perte de vitesse alors que les effets à retardement des hausses de taux d’intérêt antérieures continuent de freiner la demande. Le PIB de l’économie totale a augmenté légèrement au quatrième trimestre de 2023, mais encore une fois, pas assez vite pour suivre la forte croissance démographique. La production par personne (un indicateur clé du niveau de vie des ménages) a chuté pour un sixième trimestre d’affilée au quatrième trimestre de 2023 , revenant ainsi aux niveaux de 2016.

La production a également stagné dans la zone euro et a carrément régressé au second semestre de 2023 au Royaume-Uni. L’économie américaine fait encore figure d’exception ; elle a poursuivi sur sa lancée, ce qui a soutenu les exportations canadiennes. Toutefois, la demande intérieure du Canada a connu un net déclin au quatrième trimestre pour la première fois en un an ; la légère hausse des dépenses de consommation a été largement éclipsée par une baisse des investissements résidentiels et un deuxième recul marqué d’affilée des investissements des entreprises.

Les ménages n’ont pas fini de s’adapter aux taux d’intérêt élevés

Le ralentissement de l’économie a été considérable, mais il n’a pas atteint les proportions que l’on craignait lorsque la Banque du Canada (BdC) et d’autres banques centrales mondiales ont amorcé des hausses de taux énergiques en 2021. La demande de main-d’œuvre a diminué, le nombre de postes vacants étant inférieur de 25 % aux niveaux de l’année dernière. Cependant, la hausse de 0,7 point de pourcentage du taux de chômage depuis un an est attribuable essentiellement à l’allongement de la durée de recherche d’emploi, surtout pour les étudiants et les nouveaux diplômés, plutôt qu’à des licenciements.

Malgré tout, le rapport entre le remboursement de la dette des ménages et leur revenu disponible se situe à des niveaux records, et il continuera d’augmenter puisque les prêts hypothécaires sont encore renouvelés à des taux plus élevés. Les taux de défaillance des ménages ont crû et les faillites d’entreprises ont augmenté (fortement) pour la première fois depuis des décennies. En dépit d’un apaisement des tensions inflationnistes générales, la détérioration de l’accessibilité à la propriété réduit le pouvoir d’achat des ménages, car les prix des maisons restent élevés et les loyers grimpent en flèche.

Le ralentissement de l’inflation indique qu’il ne sera pas nécessaire de relever les taux d’intérêt

La bonne nouvelle, c’est que l’inflation diminue également, ce qui devrait permettre à la BdC de commencer à desserrer les freins à la politique monétaire en milieu d’année.  Certes, les prix élevés nuisent encore aux ménages. Au Canada, l’indice des prix à la consommation a progressé de 17 % par rapport aux niveaux de 2019, et les prix des aliments, de 25 %. Et le repli à venir de l’inflation signifie seulement que les prix augmenteront de façon moins marquée, et non qu’ils diminueront.  Néanmoins, l’ampleur de la croissance des prix s’est amenuisée et les pressions haussières résiduelles proviennent de façon disproportionnée des charges d’intérêts hypothécaires qui découlent directement des relèvements antérieurs des taux d’intérêt.  Les mesures de base privilégiées par la banque centrale indiquent que les pressions sous-jacentes sur les prix demeurent supérieures à 3 %, mais qu’elles ont diminué.

La BdC commencera à réduire les taux d’intérêt en milieu d’année

Les données économiques n’ont pas suffisamment fléchi pour inciter la BdC à réduire d’urgence les taux d’intérêt, mais assez pour que la trajectoire la plus probable de la croissance future des prix soit encore à la baisse plutôt qu’à la hausse.  Nous prévoyons que la BdC commencera à réduire graduellement les taux en juin, à condition que les tensions inflationnistes continuent de s’apaiser.  Étant donné la bonne tenue de l’économie américaine malgré la hausse des taux d’intérêt jusqu’à présent, il est moins urgent pour la Réserve fédérale (Fed) d’intervenir. Malgré tout, l’inflation aux États-Unis a ralenti en dépit de la robustesse de l’économie, et la vigueur de la consommation ne saurait durer. Nous nous attendons toujours à ce que la Fed puisse également décréter sa première réduction des taux d’intérêt en juin, mais le rythme des baisses devrait être plus lent que prévu au départ.

Le ralentissement des investissements des entreprises accentue les inquiétudes concernant la productivité

Les investissements réels (après inflation) des entreprises canadiennes ont chuté de près de 7 % au deuxième semestre de 2023. Ce repli s’ajoute à des décennies de sous-investissement remontant à la crise financière de 2008-2009 et à l’effondrement des prix du pétrole en 2015.  Un déclin des investissements des entreprises peut avoir un effet baissier durable sur la croissance économique. En effet, il réduit les gains de productivité futurs, qui ont toujours été le principal facteur d’amélioration des salaires corrigés de l’inflation et du niveau de vie au fil du temps. Les premiers sondages laissent entrevoir une plus forte croissance des investissements en 2024. L’enquête annuelle de Statistique Canada sur les intentions d’investissement a révélé une augmentation de 4,5 % des dépenses non résidentielles prévues en 2024. Des dépenses d’investissement accrues et une meilleure utilisation des compétences des nouveaux arrivants au Canada seront nécessaires pour améliorer le niveau de vie par habitant à long terme.

Le redressement du Canada s’annonce lent

Le contexte économique au Canada devrait être un peu plus favorable au deuxième semestre de 2024 qu’au premier, à condition que la BdC commence à abaisser les taux d’intérêt. La consommation alimentera la majeure partie du « lent décollage » au cours du second semestre de l’année. L’élan sera surtout attribuable aux dépenses dans le secteur des services, les consommateurs continuant de s’adapter à la hausse des taux d’intérêt et de redonner la priorité aux dépenses discrétionnaires dans un contexte d’apaisement des tensions inflationnistes en matière de produits essentiels. L’expansion démographique continue aussi de stimuler la demande des consommateurs. Cela dit, le redressement sera lent, car les ménages restent à court d’argent et l’épargne n’est pas répartie de façon égale entre les tranches de revenu. La croissance des salaires semble s’essouffler, étant donné la modération de la demande de main-d’œuvre (offres d’emploi) et l’augmentation du taux de chômage.

Au Canada, les acheteurs de logements commencent lentement à revenir sur le marché et les baisses de taux d’intérêt de la BdC que nous prévoyons au second semestre de l’année devraient mettre fin au déclin des investissements résidentiels. Tous les paliers de gouvernement ont pour priorité de renforcer l’offre de logements pour suivre l’expansion démographique rapide. Toutefois, il faudra du temps pour que toute initiative (en cas de réussite) fasse croître le parc de logements, et l’accessibilité à la propriété devrait demeurer problématique dans un avenir prévisible.

Perspectives provinciales

Nous nous attendons à ce que les pressions exercées par les taux d’intérêt et le ralentissement de l’économie américaine freinent la croissance économique en particulier en Colombie-Britannique (+0,3 %), au Québec (+0,4 %) et en Ontario (+0,5 %) cette année. En raison du redressement des marchés des engrais et de l’achèvement du projet Trans Mountain, le ralentissement économique devrait être relativement modéré dans les provinces des Prairies, la croissance demeurant supérieure à la moyenne nationale en Alberta (+1,7 %), en Saskatchewan (+1,6 %) et au Manitoba (+1,2 %).
Dans l’Est, la reprise de la production de ressources naturelles devrait ramener la croissance économique à Terre-Neuve-et-Labrador (+2,0 %) en territoire positif, tandis qu’une forte croissance démographique et une hausse potentielle des investissements dans la construction devraient stimuler la croissance à l’Île-du-Prince-Édouard (+2,1 %) et en Nouvelle-Écosse (+1,2 %) en 2024. En revanche, l’assombrissement des perspectives commerciales et la diminution des dépenses en immobilisations mineront la croissance du PIB réel au Nouveau-Brunswick (+0,9 %).

COLOMBIE-BRITANNIQUE – La faiblesse du secteur des ménages persistera

Les taux d’intérêt élevés ont des effets particulièrement néfastes en Colombie-Britannique. Comme les résidents lourdement endettés ont restreint leurs achats importants, les investissements résidentiels sont demeurés à la baisse, exception faite d’une modeste hausse en octobre. Les dépenses par habitant ont également fléchi par rapport aux niveaux d’il y a un an. La morosité du secteur des ménages n’augure rien de bon non plus pour les entreprises, car les sombres perspectives économiques de la province freinent les projets de dépenses d’investissement pour 2024. Dans l’ensemble, nous prévoyons que la croissance économique de la Colombie-Britannique sera inférieure à celle de la plupart des autres provinces encore cette année, le taux de croissance du PIB réel s’établissant à 0,4 % sur 12 mois.

L’économie a fait face à d’importants vents contraires ces derniers mois. Malgré la reprise modeste du marché du logement observée cet hiver, l’endettement élevé des ménages par rapport au revenu disponible a maintenu les investissements résidentiels près d’un creux de 10 ans. Compte tenu du recul marqué de l’accessibilité au cours des dernières années, nous ne prévoyons pas de retour rapide aux niveaux de 2022. En fait, les prix des propriétés resteront relativement stables, ne diminuant que de 0,3 % en 2024 par rapport à l’an dernier.

La faiblesse du secteur des ménages se traduit par une baisse de l’activité économique. L’an dernier, la Colombie-Britannique a connu l’une des plus fortes hausses de fermetures d’entreprises, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à 2022. Une amélioration ne semble pas près de survenir non plus. La province devrait enregistrer le recul le plus marqué des dépenses en immobilisations, soit une baisse de 5,3 % en 2024. Cette baisse sera largement attribuable aux domaines du transport et de l’entreposage ainsi que des soins de santé et de l’assistance sociale, d’après le plus récent rapport de Statistique Canada sur les intentions de dépenses en immobilisations dans le secteur non résidentiel.

Le contexte commercial difficile et la fin d’importants projets (dont l’expansion de Trans Mountain et le terminal de LNG, à Kitimat) contribueront sans doute au fléchissement de l’emploi au cours de l’année à venir. En fait, nous prévoyons que la croissance de l’emploi diminuera de moitié (+0,8 %) en 2024, de sorte que l’affaiblissement du marché du travail en Colombie-Britannique restera parmi les plus prononcés au pays. 

ALBERTA – Toujours en tête de peloton

Grâce à sa bonne situation démographique, qui continue de soutenir une croissance relativement robuste de l’emploi et les investissements résidentiels, l’Alberta est mieux placée que la plupart des autres provinces en 2024. Toutefois, comme l’économie mondiale s’affaiblit et que la demande des principaux produits de base de l’Alberta diminue, l’économie de cette province a aussi montré des signes d’essoufflement. À notre avis, la croissance du PIB réel de l’Alberta s’établira à 1,7 %, en baisse par rapport au taux de 2023, que nous estimons à 2,2 %. L’Alberta devrait donc tout de même afficher une progression supérieure à la moyenne canadienne pour une troisième année consécutive.

Les taux d’intérêt élevés semblent finalement peser sur les consommateurs albertains. Malgré une expansion démographique record, les ventes au détail globales ont fini par franchir un seuil important : pour la première fois au cours du présent cycle, elles ont subi une contraction par rapport au trimestre précédent aux deuxième et troisième trimestres de 2023. Bien qu’une autre hausse exceptionnelle de la population en milieu d’année ait redonné un élan haussier aux ventes au détail globales au quatrième trimestre, les dépenses par habitant ont continué de diminuer jusqu’à la fin de l’année. Comme les Albertains demeurent aux prises avec l’inflation la plus élevée au Canada (3,4 % en janvier 2024), nous nous attendons à ce que les dépenses continuent de se tasser au premier semestre de 2024, avant de remonter légèrement plus tard dans l’année.

Une reprise des dépenses et des investissements du seul côté des ménages ne suffira pas toutefois à contrer la faiblesse d’autres segments de l’économie. L’intensification des tensions géopolitiques et le ralentissement de la croissance mondiale perturbent les perspectives du marché de l’énergie. Par ailleurs, les nouvelles initiatives carboneutres du gouvernement du Canada ont entraîné des plaintes relatives aux investissements, autant de facteurs qui se traduisent par un lent début d’année au chapitre des nouveaux forages de puits.

Cependant, comme le projet TMX devrait entrer en service au deuxième trimestre de cette année, un triplement de la capacité
permet d’espérer une production accrue dans les mois à venir.

Dans l’ensemble, les intentions de dépenses d’investissement en Alberta ont également diminué en 2024 (-0,9 % sur 12 mois). Comme ailleurs au Canada, le transport et l’entreposage devraient être à l’origine de la majeure partie du repli, après un pic des investissements en 2022. Mais l’agriculture devrait aussi connaître une légère baisse (-4 %) cette année. Ce recul pourrait découler en partie de la confiance mitigée des agriculteurs, compte tenu des niveaux de précipitations plus faibles que d’habitude cet hiver. Nous croyons que les effets persistants du programme d’aide aux victimes de la sécheresse en Alberta contribueront aussi à la réduction des investissements dans l’agriculture cette année, après une hausse démesurée en 2023.

SASKATCHEWAN – Une reprise plus hâtive que la plupart

L’an dernier, la hausse plus importante que prévu des dépenses en immobilisations et l’étonnante envolée du marché du travail ont entraîné une révision à la hausse de nos prévisions de croissance pour 2023, qui sont passées à 1,2 %. Nous croyons néanmoins que l’économie de la Saskatchewan grimpera dans le palmarès provincial au cours de l’année à venir, grâce à un taux de croissance prévu du PIB réel de 1,6 % en 2024. Comme les marchés des engrais bénéficieront d’un approvisionnement plus stable et de prix plus abordables, nous prévoyons un rebond graduel de la demande de l’un des principaux produits de base de la Saskatchewan : la potasse. La diminution des coûts des intrants et l’amélioration (potentielle) de la saison de croissance devraient également donner un bon coup de pouce au secteur agricole de la province.

Les marchés des engrais ont été très volatils depuis deux ans. Après une année de sanctions contre les exportations russes, la réintroduction d’engrais russes et biélorusses en 2023 a entraîné de fortes fluctuations de l’offre mondiale de potasse (et des prix). Comme l’offre provenant d’Extrême-Orient se rapproche des niveaux d’avant la guerre, nous prévoyons une augmentation plus progressive de l’approvisionnement international à partir de maintenant. Cette évolution augure bien pour la Saskatchewan dans l’ensemble, car la stabilité du marché et les prix plus abordables favoriseront l’adoption par les agriculteurs au cours de l’année à venir.

Nous prévoyons également, de façon générale, une embellie des perspectives du secteur agricole de la province. Bien que la production agricole ait largement suivi le rythme de la demande, les marchés céréaliers mondiaux sont restés relativement tendus en raison de la perte de production en provenance de l’Ukraine. Dans ce contexte, les prix des cultures se maintiennent bien au-dessus des niveaux d’avant la pandémie. Agriculture et Agroalimentaire Canada s’attend toujours à ce que la production de la plupart des cultures augmente en 2024, mais une autre éventuelle saison chaude et sèche attribuable à El Niño pourrait menacer les rendements de la Saskatchewan.

Les prévisions optimistes en ce qui concerne les produits de base de la Saskatchewan devraient également stimuler considérablement les investissements en 2024, mais pas autant que l’an dernier. Nous prévoyons qu’en raison de cette vigueur, les perspectives du marché du travail demeureront généralement favorables, rehaussant la confiance des consommateurs après une année particulièrement terne. En fait, les ventes au détail ont déjà augmenté au quatrième trimestre, les dépenses par habitant revenant à leur niveau d’il y a un an. Une reprise du marché du logement se dessine aussi déjà dans la province. Ces éléments, de concert avec la normalisation des marchés des engrais, devraient ouvrir la voie à une progression du PIB réel au cours de l’année à venir.

MANITOBA – En perte de vitesse

Au cours des derniers mois, nous avons constaté d’autres signes de ralentissement au Manitoba. Alors que les répercussions positives de la résilience de l’Ontario et des États-Unis s’atténuent, nous prévoyons qu’une baisse de la demande minera les exportations du Manitoba au cours de l’année à venir. Le ralentissement de l’activité économique risque également de nuire aux marchés du travail, réfrénant les dépenses des ménages et la consommation. Nous nous attendons toujours à ce que la croissance économique du Manitoba se modère, passant de 1,7 % en 2023 à 1,2 % en 2024. Néanmoins, le PIB réel de la province devrait croître à un rythme supérieur à la moyenne canadienne pour une deuxième année d’affilée.

Les exportations vers les États-Unis ont représenté plus de 70 % du total des exportations internationales du Manitoba l’an dernier. Le lien commercial étroit avec les États-Unis, bien qu’ayant constitué un atout l’an dernier, pèsera probablement sur la balance commerciale du Manitoba au cours de la prochaine année. En fait, les exportations vers les États-Unis ont déjà commencé à diminuer, chutant de 11 % d’un trimestre sur l’autre sur une base annualisée au quatrième trimestre de 2023.

Le ralentissement de la demande de produits du Manitoba devrait également perturber les marchés du travail pendant l’année à venir. Même si le marché de l’emploi du Manitoba n’a pas encore montré de signes d’affaiblissement, nous anticipons un point d’inflexion dans la croissance de l’emploi, entraînant une légère hausse du taux de chômage (x %).

Ce contexte devrait se traduire par des ventes au détail relativement modérées (x %) et une reprise limitée du marché du logement en 2024. En fait, la croissance des ventes au détail réelles (totale et par habitant) sur 12 mois a subi un recul plus important à la fin de 2023, signe que la faiblesse commence déjà à se faire sentir.

ONTARIO – La croissance du PIB en 2024 sera inférieure de moitié à celle de l’an dernier

L’économie de l’Ontario devrait ralentir de façon plus marquée et progresser de seulement 0,5 % en 2024, comparativement à 1,2 % en 2023. Même si ce taux de croissance est légèrement supérieur à celui de 0,2 % auparavant prévu, nous pensons toujours que l’économie ralentira considérablement. L’atonie de l’activité aux États-Unis et l’effet à retardement des taux d’intérêt élevés sur les dépenses et l’investissement au pays seront les principales forces qui freineront la croissance cette année.

Certes, la croissance a surpassé la moyenne nationale pendant la majeure partie de 2023, mais de récentes données signalent un fléchissement plus accentué. Outre l’augmentation des dépenses des Fêtes, le quatrième trimestre semble beaucoup plus faible qu’il ne le paraissait au début de l’année. L’emploi a diminué de 0,3 % en données annualisées, alors que le nombre d’heures de travail a stagné. Les livraisons manufacturières ont également fléchi pour un quatrième mois consécutif, les exportations chutant après avoir culminé au milieu de 2023.

Une reprise plus rapide que prévu du marché immobilier de l’Ontario pourrait renforcer la croissance de quelques points de pourcentage par rapport à nos prévisions précédentes pour 2024 (de 0,2 % à 0,5 %) et 2023 (de 1,1 % à 1,2 %), mais l’activité sur le marché du logement reste contenue d’un point de vue historique. Nous nous attendons toujours à une reprise graduelle de l’activité immobilière lorsque la Banque du Canada décidera de réduire les taux. Ces conditions devraient favoriser une croissance modérée des investissements résidentiels, qui ont déjà dépassé un creux cyclique en juillet 2023.

Certains grands projets de construction dans le secteur des véhicules électriques pourraient servir de filet de sécurité à l’économie (y compris l’usine de fabrication de batteries de Volkswagen, d’un coût de 7 milliards de dollars, à St Thomas, en Ontario, ainsi que l’usine de batteries de LG et de Stellantis, d’un coût de 5 milliards de dollars, à Windsor, en Ontario). Toutefois, ils ne suffiront pas à contrer le ralentissement généralisé découlant des taux d’intérêt élevés et de l’affaiblissement de la croissance mondiale. Les vents contraires persistants devraient suffire à réduire de plus de moitié la croissance par rapport à 2023.

Québec – Le passage à vide se poursuit alors que la reprise post-pandémique stagne

On ne sait pas encore si l’économie du Québec a continué de se contracter au dernier trimestre de 2023. Des signes de reprise ont été observés dans les secteurs de la construction et des services publics, mais des grèves importantes du secteur public en novembre et en décembre ont fortement perturbé l’activité des services éducatifs et ont miné d’autres secteurs, alors que les parents s’efforçaient de s’occuper des enfants en congé forcé. Les turbulences en fin d’année ont à tout le moins prolongé le passage à vide que l’économie traverse depuis le printemps dernier. Elle mettra peut-être un certain temps à en sortir puisque les perspectives des consommateurs demeurent instables, quoique la fin des grèves devrait avoir un effet haussier en début d’année. À notre avis, les réductions des taux d’intérêt prévues au cours de la deuxième moitié de 2024 marqueront un tournant plus important pour l’économie. L’augmentation des investissements non résidentiels devrait également alimenter la reprise au courant de l’année. Nous prévoyons que le taux de croissance annuel de l’économie du Québec restera à peu près inchangé, passant de 0,3 % en 2023 à 0,4 % en 2024.

De grands projets d’investissement dans le domaine des batteries et des composantes de VE, y compris le plus important investissement du secteur privé jamais réalisé au Québec, sont prometteurs non seulement pour cette année, mais aussi à moyen et à long terme. Ils contribueront à l’activité de construction pendant la phase des travaux et augmenteront par la suite la capacité de production industrielle et le potentiel économique du Québec, donnant à la province un rôle clé dans l’écosystème des VE au niveau mondial.

Pour l’instant, une grande partie de l’économie est en difficulté. Les reprises précédentes sont tombées au point mort dans les secteurs durement touchés par la pandémie. La croissance est au mieux stagnante, voire en déclin dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration, des arts et du divertissement et dans certains segments du commerce de détail. La production manufacturière a plafonné. La forte hausse du coût de la vie, les taux d’intérêt élevés et les préoccupations croissantes au sujet du marché du travail pèsent lourdement sur la confiance des consommateurs. L’emploi est resté essentiellement stable depuis septembre, et le taux d’emploi diminue en raison de la croissance rapide de la population active. Nous pensons que le renversement de la situation se fera graduellement au cours de la prochaine année.

NOUVEAU-BRUNSWICK – La vigueur du secteur des ménages atténuera le ralentissement économique

Au Nouveau-Brunswick, les dépenses et les investissements des ménages ont bien résisté. Et compte tenu de l’endettement relativement bas des ménages par rapport au revenu disponible, cette tendance devrait persister en 2024. La faiblesse du côté des entreprises devrait toutefois jeter une ombre sur la croissance du PIB réel pendant l’année à venir. Par conséquent, nous continuons de prévoir une légère décélération de la croissance économique, de 1,1 % en 2023 à 0,9 % en 2024.

Les ménages du Nouveau-Brunswick sont ceux qui ont le ratio dette nette-revenu disponible le plus faible au pays, caractéristique qui a amoindri la sensibilité des consommateurs de la province aux taux d’intérêt ces deux dernières années. En fait, la province est l’une des seules à afficher une augmentation constante des ventes au détail réelles d’un trimestre à l’autre depuis 2022, ce qui témoigne de la résilience des consommateurs.

Les réductions de taux prévues ne devraient donc pas entraîner une hausse notable des dépenses. Toutefois, la baisse des taux et la diminution des pressions sur les prix devraient soutenir la vigueur des dépenses de consommation en 2024. Une solide croissance démographique devrait également contribuer au maintien des habitudes de dépenses, empêchant ainsi un brusque ralentissement de la croissance globale au cours de l’année à venir.

On ne s’attend toutefois pas à ce que la réduction des taux d’intérêt cette année allège considérablement la morosité des investissements des entreprises. De fait, le Nouveau-Brunswick est l’une des trois provinces où une baisse des dépenses en immobilisations est prévue en 2024 (-1,7 %). Le recul devrait être principalement attribuable aux services publics, car d’importantes dépenses d’investissement ont été réalisées pour combler le manque d’infrastructures dans la province. Un repli des investissements est également prévu dans le secteur manufacturier, du fait de l’affaiblissement de la confiance des consommateurs aux États-Unis et dans d’autres territoires canadiens. La faiblesse des nouveaux investissements devrait empêcher tout redressement marqué de la construction non résidentielle cette année, ce qui contribuera à limiter la croissance économique au cours de la prochaine année.

NOUVELLE-ÉCOSSE – Changement de cap

Bon nombre des vents contraires qui ont freiné la croissance de la Nouvelle-Écosse en 2023 devraient persister au premier semestre. Cependant, nous nous attendons à ce que les dépenses et les investissements des ménages augmentent au second semestre de 2024, lorsque la Banque du Canada décidera de réduire les taux d’intérêt. Cette évolution, conjuguée à une hausse prévue des dépenses en immobilisations, devrait être la force dominante qui fera passer la croissance d’un niveau d’environ 0,6 % en 2023 à 1,2 % en 2024.

Même si l’expansion démographique devrait se modérer par rapport au rythme observé en 2023, nous prévoyons qu’elle demeurera supérieure au rythme historique pendant l’année à venir. Ainsi, la progression de l’emploi (+x %) et les dépenses de consommation (+x %) en Nouvelle-Écosse devraient dépasser la moyenne nationale cette année encore, ce qui augure bien pour la croissance globale de la province.

La forte croissance de la population favorisera également une reprise de l’activité immobilière cette année. Le rebond prévu des reventes de maisons, de 16 %, devrait être l’un des plus vigoureux au Canada. Même si nous ne prévoyons pas d’importantes hausses de prix, une progression graduelle des prix des maisons sera suffisante pour contribuer au maintien d’une croissance positive des investissements résidentiels en 2024.

Un accroissement des investissements dans l’administration publique et les infrastructures est également prévu pour 2024. De nouvelles dépenses en immobilisations de 900 millions de dollars dans le secteur non résidentiel devraient faire grimper les investissements des entreprises de 16 % par rapport à 2023, ce qui constitue la plus forte augmentation parmi toutes les provinces.
Une hausse des investissements privés est également attendue cette année, car EverWind Fuels amorcera à l’automne la construction du premier projet d’hydrogène et d’ammoniac verts en Nouvelle-Écosse.

ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD – L’économie prend de la vitesse

L’Île-du-Prince-Édouard est l’une des rares économies provinciales qui, selon nous, prendront de la vitesse au cours de l’année à venir. La forte croissance démographique et l’apaisement des tensions inflationnistes jettent les bases d’une autre bonne année au chapitre des dépenses des ménages. Et nous sommes convaincus qu’un afflux continu de migrants dans la province contribuera à résorber les pénuries de main-d’œuvre, en particulier dans le secteur de la construction de la province, qui est sous tension. Grâce à un taux de croissance prévu de 2,1 %, l’Île-du-Prince-Édouard devrait remonter au sommet de notre palmarès des provinces en 2024.

Nous nous attendons à ce que le secteur des ménages de la province se démarque à nouveau cette année. Les ménages étant peu endettés, nous pensons que la baisse de l’inflation suffira à relancer l’utilisation des cartes de crédit, portant la croissance des ventes au détail sur 12 mois à 5,5 % en 2024.

Bien que la province ait pâti d’une sévère détérioration de l’accessibilité depuis deux ans, son marché du logement demeure relativement abordable comparativement à d’autres territoires au Canada. Par conséquent, nous croyons que les habitants de l’île devront attendre les mêmes réductions musclées des taux avant de revenir en force. En fait, une hausse de 16 % des reventes de maisons prévue en 2024 devrait ramener l’activité immobilière aux niveaux observés sur l’île pendant la pandémie.

Le secteur de la construction pourrait également amorcer un redressement cette année. Même si les pénuries de main-d’œuvre demeurent un problème dans la province, l’emploi dans le secteur de la construction a encore réalisé un gain supérieur à la moyenne (+5,5 %) l’an dernier, après une hausse impressionnante (+23 %) en 2022. Les investissements dans la construction ont aussi semblé s’accélérer au second semestre de 2023, créant une bonne dynamique à l’aube de 2024. À notre avis, ce secteur s’améliorera davantage à mesure que les taux d’intérêt baisseront, ce qui atténuera certaines pressions sur les coûts liées aux projets de développement au courant de l’année.

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR – Une année plus occupée en vue

Les perspectives de croissance économique de la province s’améliorent en 2024. Non seulement la production de pétrole devrait rebondir cette année, mais la construction du premier projet d’hydrogène éolien au Canada pourrait aussi occuper le devant de la scène. Dans le sillage des perspectives plus favorables du secteur, nous prévoyons un renforcement de la croissance de l’emploi au cours de l’année à venir. Ensemble, ces forces devraient soutenir une expansion du PIB réel de 2 % en 2024.

Malgré un début d’année mouvementé du côté de la production de pétrole à Terre-Neuve-et-Labrador, nous nous attendons à ce que la situation se redresse dans ce secteur au courant de l’année. La production a déjà repris à Terra Nova à la fin de 2023 et le retour prévu du navire SeaRose plus tard cette année devrait stimuler la production pétrolière de la province en 2024.

La situation semble également s’améliorer dans le secteur émergent de l’hydrogène éolien à Terre-Neuve-et-Labrador. Même si World Energy GH2 n’a pas encore obtenu l’autorisation environnementale pour son projet d’hydrogène éolien, le gouvernement fédéral a déjà approuvé un prêt au développement de 128 millions de dollars. La société a fait part de son intention de commencer la construction dès cette année, mais aucune mise à jour n’a été fournie.

Les perspectives plus favorables pour l’économie de la province sont également de bon augure pour le marché du travail. Après six mois sans grand changement, l’emploi a monté en flèche en janvier et a maintenu un bon rythme en février. Nous y voyons un signe des temps à venir, alors qu’une année plus occupée au chapitre de la production continuera d’exercer des pressions à la hausse sur la demande de main-d’œuvre.

Tableaux détaillés des prévisions:

Détail des prévisions économiques — Canada
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Tableaux des prévisions provinciales
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À propos des auteurs

À titre d’économiste en chef, Craig Wright dirige une équipe d’économistes qui mènent des recherches sur l’économie, les titres à revenu fixe et les devises pour le compte de clients de RBC. M. Wright collabore régulièrement à un certain nombre de publications de RBC, et il est l’un des principaux animateurs des séances d’information que les Services économiques organisent de façon périodique pour communiquer les résultats d’analyses économiques aux clients et aux médias.

Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.

Nathan Janzen travaille à RBC depuis 2008, où il s’occupe principalement de la couverture des perspectives macroéconomiques du Canada et des États-Unis. Il est titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université McMaster et d’un baccalauréat en économie de l’Université de Regina.

Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales. Elle est titulaire d’un baccalauréat en économie (avec distinction) de l’Université Western Ontario et d’une maîtrise en sciences de l’Amsterdam School of Economics.

Carrie Freestone est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’analyse macroéconomique et est responsable de l’examen des principales tendances économiques, y compris les dépenses de consommation, les marchés du travail, le PIB et l’inflation.

Abbey Xu est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’analyse macroéconomique, se concentrant sur les modèles de prévision macroéconomique et fournissant des analyses et des mises à jour opportunes sur les tendances économiques.

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.