Points saillants :
- Le gouvernement du Québec a laissé inchangée sa prévision du budget 2024 concernant le déficit de 11 milliards de dollars pour 2024-2025 et a légèrement augmenté le déficit prévu pour 2025-2026, le faisant passer de 8,5 milliards de dollars à 9,2 milliards de dollars.
- L’énoncé économique de l’automne prévoit 4,3 milliards de dollars de nouvelles dépenses sur trois ans, mais seulement 2,3 milliards de revenus supplémentaires pour la même période.
- La révision à la hausse des dépenses de programmes pour l’exercice est en grande partie attribuable aux augmentations salariales consenties à la suite des grèves dans le secteur public à la fin de 2023, à la bonification du financement des projets d’infrastructure et à la majoration des coûts des crédits d’impôt remboursables.
- Conclusion : À première vue, la mise à jour économique 2024 du gouvernement du Québec semble n’avoir rien de surprenant. Par contre, plusieurs choses se passent à l’arrière-scène, notamment des transferts fédéraux plus importants et l’utilisation de la moitié de la provision pour éventualités dans le but de financer de nouvelles dépenses.
Dans Le point sur la situation économique et financière du Québec de l’automne 2024, aucun changement n’a été apporté au résultat net de la province pour l’exercice en cours, mais les perspectives pour 2024 ont été revues à la hausse. Les dépenses plus élevées que prévu ont nettement dépassé l’accroissement des recettes découlant de l’augmentation des transferts fédéraux. Toutefois, la réduction du fonds de suppléance et les revenus plus élevés attribuables à l’harmonisation du nouveau taux d’inclusion des gains en capital du gouvernement fédéral font en sorte que la prévision de déficit budgétaire reste à 11 milliards de dollars.
Comme dans le budget 2024, le plan financier quinquennal demeure déficitaire jusqu’au dernier exercice (2028-2029). Le gouvernement réitère son engagement à maintenir le déficit sur une trajectoire descendante afin d’atteindre l’équilibre d’ici l’exercice 2029-2030.
Les transferts fédéraux plus importants sont à l’origine de la majeure partie de l’augmentation des revenus
Le gouvernement a ajusté à la hausse ses perspectives de croissance, ce qui aurait dû se traduire par des projections de recettes générées par la province supérieures à celles du budget 2024. Pourtant, l’augmentation provient surtout de sources fédérales.
Les transferts fédéraux ont été fortement revus à la hausse (1,6 milliard de dollars cette année), pour tenir compte de l’enveloppe spéciale que la province a reçue afin de couvrir les coûts liés à l’accueil d’un grand nombre de demandeurs d’asile. Les changements apportés par le gouvernement fédéral au taux d’inclusion des gains en capital contribuent aussi à l’accroissement des recettes fiscales, le Québec ayant choisi l’harmonisation avec la politique fédérale (+972 millions de dollars pour 2024-2025).
Le gouvernement a légèrement abaissé ses hypothèses relatives à la croissance pour 2025, en partie à cause des perspectives démographiques moins favorables. Les nouvelles prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) réel et du PIB nominal, soit 1,5 % et 3,6 % respectivement, pourraient se révéler trop optimistes, en fonction des répercussions de la récente diminution des cibles d’immigration sur l’économie. Les revenus du gouvernement sont donc exposés à un certain risque de baisse.
Moins de nouvelles mesures de dépenses sont annoncées
Comparativement aux années précédentes, la mise à jour budgétaire ne comportait pas autant d’annonces de nouvelles dépenses. Les 2,1 milliards de dollars affectés aux nouvelles initiatives de dépenses depuis mars (sans compter l’augmentation des dépenses de portefeuilles) seront répartis sur cinq ans et ne représentent qu’une fraction des 13 milliards de dollars annoncés dans la mise à jour de l’an dernier (qui incluait l’effet de l’indexation du régime d’imposition des particuliers équivalant à 8,7 milliards de dollars).
Les nouvelles dépenses annoncées sont axées sur le transport collectif (1,2 milliard de dollars), la réponse face aux catastrophes naturelles (433 millions de dollars), le soutien au secteur forestier (252 millions de dollars), ainsi que le logement et l’assistance sociale (218 millions de dollars). La hausse dépasse les revenus prévus, même si les nouvelles dépenses sont relativement limitées.
Les dépenses de portefeuilles sont aussi en progression. Selon les projections, le total des nouvelles dépenses de l’exercice en cours devrait dépasser de 2,7 milliards de dollars celui du budget 2024. Par ailleurs, on s’attend à près de 1,1 milliard de dollars en nouvelles dépenses additionnelles pour 2025-2026.
C’est le domaine de la santé et des services sociaux (898 millions de dollars) qui est à l’origine de la majeure partie de la hausse. Cela s’explique par les augmentations salariales accordées après que des centaines de milliers de travailleurs des services publics eurent déclenché des grèves à la fin de 2023.
Parmi les autres éléments pesant lourdement sur les dépenses, mentionnons les fonds supplémentaires pour les projets d’infrastructure (786 millions de dollars) et la majoration des coûts des crédits d’impôt remboursables (201 millions de dollars).
Le gouvernement du Québec réduit de moitié sa provision pour éventualités (à 750 millions de dollars) afin de combler l’écart entre les revenus et les dépenses, tout en laissant inchangé sa prévision de déficit cette année (à 11 milliards de dollars).
Le fardeau de la dette de la province s’est légèrement amélioré
Au cours des deux dernières années, le Québec a enregistré une croissance plus forte que prévu, ce qui a amélioré sa situation financière. Par conséquent, l’évaluation de la dette par rapport à la taille de l’économie semble légèrement plus favorable et offre un meilleur point de départ. Cela dit, le fardeau de la dette continuera à s’alourdir à court terme.
Le ratio dette nette/PIB de la province, qui était de 38 % en mars 2024, s’élèvera à 39 % en mars 2025. Il devrait culminer à 39,8 % en mars 2026 avant de diminuer graduellement pour atteindre 38,6 % vers la fin du plan financier, en 2029. Il s’agit d’une amélioration marginale comparativement aux pourcentages précédemment anticipés (40,3 % pour l’exercice en cours et un sommet de 41 % en 2025-2026).
L’augmentation importante du déficit et du profil d’endettement figurant dans le budget 2024 était décevante, mais l’absence d’une feuille de route pour un retour à l’équilibre l’était encore plus. Or, la mise à jour de jeudi n’a pas changé grand-chose à cet égard.
Le Québec demeure l’une des provinces les plus endettées, ce qui lui donne moins de souplesse budgétaire que d’autres pour faire face à des chocs imprévus. Le budget 2025 est attendu avec impatience, car le gouvernement s’est engagé à établir un plan détaillé d’équilibre budgétaire d’ici 2029-2030.
Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales.
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