Perspectives canadiennes
L’économie canadienne continue de se rapprocher d’une récession en 2023. Les premiers signes d’une diminution des pressions inflationnistes font augmenter les chances que le repli soit « modéré » par rapport aux normes historiques. Le chômage a chuté à des creux records (depuis 1976) au cours de l’été et n’a que légèrement augmenté depuis. Toutefois, les vents contraires causés par les hausses de taux d’intérêt énergiques des banques centrales s’intensifient. Les marchés du logement ont déjà fortement reculé depuis le printemps. De plus, les dépenses de consommation devraient fléchir davantage, car l’inflation élevée et l’augmentation des remboursements de la dette grugent le pouvoir d’achat.
Les risques entourant ces perspectives restent orientés à la baisse. L’économie américaine devrait également entrer en récession en 2023, minant les exportations canadiennes. Entre-temps, l’incertitude géopolitique, la menace de nouvelles perturbations des chaînes logistiques mondiales et la hausse des taux d’intérêt demeurent d’importants risques pesant sur la croissance. Malgré tout, comme des signes précurseurs indiquent que les tensions inflationnistes pourraient avoir atteint un sommet, le cycle de relèvement des taux des banques centrales tire peut-être à sa fin.
L’inflation s’apaise des deux côtés de la frontière
La croissance des prix est encore bien supérieure aux cibles des banques centrales, mais les hausses ont été plus modestes et moins généralisées au cours des derniers mois. Les perturbations des chaînes logistiques mondiales, responsables en grande partie de la première flambée d’inflation, commencent à s’atténuer. Les prix des marchandises restent élevés, même s’ils ont diminué après avoir grimpé en début d’année lorsque la Russie a envahi l’Ukraine. Les prix du pétrole sont inférieurs de 40 % à leur sommet du début de juin, et les prix du blé ont chuté de 50 % par rapport à leur point culminant atteint plus tôt cette année.
Les grandes mesures de l’inflation, bien qu’encore trop élevées, ont aussi diminué tant au Canada qu’aux États-Unis. Le rythme annualisé de la hausse des prix (hors aliments et énergie) au Canada a chuté pour s’établir à 3,7 % au cours des trois derniers mois, par rapport à un sommet de plus de 8 % durant l’été. La croissance des prix de base (hors aliments et énergie) aux États-Unis a été plus forte. Toutefois, cette hausse est de plus en plus attribuable à l’envolée du coût des loyers, qui découle de l’effet retardé des hausses antérieures du marché et du décalage des nouveaux baux. Selon l’enquête du quatrième trimestre sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada, la réévaluation enthousiaste qui a suivi l’assouplissement des confinements liés à la pandémie pourrait avoir pris fin, les entreprises prêtant plus d’attention aux pressions concurrentielles avant de répercuter les augmentations de coûts sur les clients.
Les banques centrales se rapprochent du moment où elles suspendront les hausses de taux
Comme l’inflation est encore bien supérieure à la cible, les premiers signes d’un ralentissement de la croissance des prix ne suffiront pas à inciter les banques centrales à abandonner leur resserrement monétaire. Mais ils donnent à penser que les taux d’intérêt se rapprochent des niveaux qui seront suffisamment « restrictifs » pour ralentir l’activité économique et l’inflation au cours de l’année qui vient. Après une hausse de 50 points de base à sa réunion de décembre, la Banque du Canada pourrait maintenant, selon nous, maintenir le taux du financement à un jour à son niveau actuel de 4,25 %, puisque l’effet retardé des hausses de taux effectuées jusqu’à maintenant ralentit l’activité économique. Étant donné le dynamisme plus ferme des dépenses intérieures aux États-Unis et la sensibilité moindre des ménages à la hausse des taux d’intérêt, la Réserve fédérale augmentera probablement davantage les taux. Toutefois, nous prévoyons que le taux cible des fonds fédéraux plafonnera à environ 5 % au début de l’année prochaine.
La suspension des hausses de taux d’intérêt n’empêchera pas une récession de se produire au Canada au cours de l’année à venir. Un repli au moins modéré est probablement déjà assuré, au vu du niveau actuellement restrictif des taux d’intérêt. L’activité sur le marché du logement semble s’approcher d’un creux après avoir subi une brusque correction au printemps et à l’été. Cela dit, l’incidence résiduelle du relèvement des taux d’intérêt continuera de se répercuter (au fil du renouvellement des hypothèques à taux fixe, par exemple). Les dépenses de consommation s’en trouveront affaiblies au cours des prochains trimestres. Au Canada, la part du revenu disponible des ménages absorbée par le remboursement de la dette grimpera à des niveaux records, d’ici la fin de l’année prochaine. La hausse des remboursements de la dette des ménages et l’inflation devraient amputer de 3 000 $ le pouvoir d’achat des ménages en 2023.
Les pressions exercées sur les chaînes logistiques mondiales fléchissent, tout comme les perspectives du secteur manufacturier
Bien que les coûts et les délais d’expédition par voie maritime soient encore supérieurs aux niveaux d’avant la pandémie, ils ont diminué considérablement. Le coût d’acheminement d’un conteneur de la Chine vers la côte ouest des États-Unis a chuté de plus de 90 % par rapport aux sommets atteints l’an dernier. Mais la baisse de la demande d’expéditions est aussi un signe que l’activité manufacturière mondiale ralentit. Les dépenses de consommation liées aux marchandises physiques devraient figurer parmi les premières victimes de la réduction du pouvoir d’achat des ménages, ce qui entraînera une baisse des commandes de produits manufacturés. Après avoir fait preuve de vigueur pendant une bonne partie des deux dernières années, les indices des directeurs d’achats (PMI) du secteur manufacturier, qui sont suivis de près, annoncent une contraction dans la plupart des grandes économies mondiales (y compris le Canada) au cours de l’année à venir.
Le chômage devrait augmenter alors que les offres d’emploi diminuent
L’important surplus d’offres d’emploi par rapport aux travailleurs disponibles freine l’évolution du taux de chômage à court terme. Au Canada, le nombre de postes vacants dépassait de 60 % celui d’avant la pandémie en novembre, les entreprises rivalisant pour attirer 9 % de chômeurs en moins. Cette situation limitera le nombre de pertes d’emplois attribuables au ralentissement de la demande de main-d’œuvre dans l’ensemble de l’économie, puisque certaines de ces offres d’emploi sont retirées avant d’être comblées, et que les heures travaillées diminuent avant les mises à pied. Nous prévoyons que les niveaux d’emploi en 2023 demeureront essentiellement les mêmes qu’en 2022. Néanmoins, l’allongement de la durée de recherche d’emploi et une absorption plus lente des nouveaux arrivants sur le marché du travail feront monter le taux de chômage à 6,8 % d’ici la fin de l’année prochaine.
L’immigration et les investissements des entreprises seront essentiels à la prochaine reprise économique
Chaque récession de l’histoire a été suivie d’une reprise. Nous nous attendons à ce qu’une hausse de l’immigration et de solides investissements des entreprises jouent un rôle essentiel dans le retour à la croissance dans le courant de 2023 et en 2024. Ce sont les pénuries de main-d’œuvre qui ont le plus pesé sur la croissance économique. Et bien que ces pénuries pourraient s’atténuer au cours de l’année à venir, alors que le taux de chômage augmentera, elles réapparaîtront lorsque l’économie se redressera. Le départ à la retraite des baby-boomers entraîne une diminution structurelle du bassin de travailleurs. Cette situation se traduit par des pressions à la hausse plus fortes sur les salaires, et pourrait engendrer des taux d’intérêt structurellement plus élevés qu’ils ne l’étaient avant la pandémie.
Le relèvement des objectifs d’immigration visant à remédier aux pénuries de main-d’œuvre contribuera à stimuler l’offre de main-d’œuvre et la capacité de production à long terme de l’économie. Cependant, des salaires plus élevés incitent également les entreprises à accroître la capacité de production de la main-d’œuvre existante en augmentant les investissements dans l’équipement et les technologies qui améliorent la productivité.
Perspectives provinciales
Bien que l’économie canadienne devrait se contracter en 2023, le ralentissement devrait varier d’une province à l’autre. Les prix élevés des matières premières continueront d’attirer des investissements et de soutenir la croissance des exportations, ce qui devrait bénéficier aux provinces des prairies axées sur les matières premières. De même, une population en plein essor dans l’est du pays stimulera l’investissement résidentiel et les dépenses de consommation malgré le ralentissement économique général. Toutefois le reste du Canada ne sera pas aussi chanceux. Alors que l’élan du Québec a déjà ralenti significativement, une dette élevée des ménages en Colombie-Britannique et en Ontario rend les résidents et les entreprises particulièrement sensibles aux hausses de taux d’intérêt – plaçant ces provinces à un plus grand risque de récession en 2023.
Des tableaux de prévisions détaillés pour les provinces sont disponibles ici.
Colombie-Britannique – Le dynamisme s’estompera
L’économie de la Colombie-Britannique sera touchée par les mêmes forces en jeu que dans d’autres provinces, à savoir la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, et la perte de richesse des ménages. Toutefois, nous croyons que les dépenses des ménages et les investissements résidentiels dans la province subiront un recul plus marqué au cours de la prochaine année. Nous prévoyons également un apport plus modeste à l’économie provenant d’importants projets d’investissement. Ces facteurs laissent entrevoir selon nous une faible croissance de seulement 0,3 % en 2023.
Après avoir fortement contribué à la reprise de la Colombie-Britannique pendant la majeure partie de la pandémie, le marché du logement a connu un repli spectaculaire depuis mars 2022. Nous croyons que la correction n’est pas encore terminée et qu’elle se poursuivra en 2023, plombant les investissements résidentiels dans la province. Le raffermissement de la construction de logements devrait toutefois apporter un certain soutien. Nous prévoyons que les mises en chantier augmenteront à 49 800 unités en 2023, par rapport à 48 000 en 2022, les constructeurs, les promoteurs et les décideurs s’attaquant à des problèmes de longue date en matière d’offre. Une immigration record dans la province accentuera la nécessité de construire davantage de logements.
Les perspectives pour les investissements non résidentiels laissent également entrevoir une certaine modération. D’importants projets d’investissement dans la province (y compris le barrage hydroélectrique du Site C, le projet de GNL à Kitimat et le gazoduc Coastal Gaslink) sont en voie d’achèvement ou ont franchi la phase d’accélération. Par conséquent, ils ne contribueront plus à la croissance. Nous avons du mal à trouver de nouveaux grands projets d’immobilisations qui prendront leur place. La production de gaz naturel liquéfié ne débutera que dans quelques années et ne stimulera pas l’économie de la Colombie-Britannique d’ici là.
Nous prévoyons un ralentissement marqué des dépenses des ménages en 2023. Les résidents de cette province sont les plus lourdement endettés du Canada, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux hausses de taux d’intérêt.
Les perspectives du secteur du tourisme sont incertaines, car l’économie mondiale est au bord de la récession. Les fortes pressions croissantes s’exerçant sur les consommateurs au pays et à l’étranger n’augurent rien de bon pour les dépenses touristiques en Colombie-Britannique. Cependant, l’énorme demande de voyages qui s’est accumulée pendant la pandémie pourrait soutenir efficacement le secteur du tourisme à court terme.
Alberta – Pas de récession
L’Alberta se distinguera encore en 2023. La province évitera probablement une récession grâce en partie à son secteur de l’énergie plus vigoureux et à la reprise généralisée de son économie. Il faut dire que l’économie de la province est toujours en mode rattrapage depuis 2014 après deux importantes récessions. Nous prévoyons une solide croissance de 1,9 % en 2023, supérieure à celle de toutes les autres provinces. Cette prévision constituerait tout de même une décélération marquée par rapport à la croissance de 4,9 % prévue en 2022, alors que la forte hausse des taux d’intérêt et l’inflation élevée freinent les dépenses des ménages et des entreprises.
Les prix de l’énergie devraient rester élevés, du moins à court terme. Selon notre hypothèse de base, les prix du pétrole dépasseront de 54 % les niveaux d’avant la pandémie (2019) en 2023. Les activités de forage ont augmenté en 2022 et nous nous attendons à ce qu’elles poursuivent sur cette lancée en 2023. L’achèvement de l’expansion du pipeline Trans Mountain fournira de nouvelles voies d’exportation. Les entreprises investissent également dans la décarbonation de façon importante. Dans la région la plus ensoleillée de l’Alberta, les travaux des centrales solaires les plus imposantes au pays sont presque terminés, tandis que ceux des projets d’énergie solaire à plus petite échelle s’intensifient.
Les prix du blé resteront probablement élevés en raison de la diminution importante de l’offre à l’échelle mondiale. La production de blé a remarquablement rebondi en 2022 (hausse de 77 %) après les sécheresses dévastatrices de 2021. Les producteurs de l’Alberta devraient profiter de la hausse des prix, tant que les conditions de récolte resteront favorables au cours de la prochaine année.
Le secteur du logement de l’Alberta devrait continuer de faire belle figure. Malgré la tendance à la détérioration dans la dernière année, l’accessibilité à la propriété dans la région demeure meilleure par rapport à celle d’autres régions du pays. Cela peut exercer un attrait majeur sur les personnes qui migrent vers la province. L’immigration a repris et devrait atteindre des niveaux records en 2022. Les migrations interprovinciales affichent aussi une tendance positive pour la première fois depuis l’effondrement des prix du pétrole. Nous pensons que les mises en chantier augmenteront encore en 2023 dans ces circonstances.
Il y a bien des raisons de se réjouir, mais les ménages de l’Alberta ne sont pour autant pas à l’abri des défis posés par les fortes hausses des taux d’intérêt et l’inflation élevée. L’augmentation des coûts du service de la dette limitera l’envie de dépenser de beaucoup d’Albertains. Cela devrait ralentir considérablement la croissance des ventes au détail dans la province.
Saskatchewan – Une croissance prometteuse grâce aux ressources naturelles
Nous nous attendons à ce que l’économie provinciale se porte relativement bien dans un contexte de ralentissement général au Canada. La forte demande mondiale pour les produits coûteux de la Saskatchewan et les investissements importants visant à exploiter davantage ses ressources maintiendront une croissance modérée (1,5 %) de l’économie en 2023. Cet engouement permettra à la Saskatchewan de se classer parmi les provinces dont la croissance est la plus marquée, et ce, pour une deuxième année consécutive.
De plus, la production agricole s’est bien remise sur pied après avoir été ralentie par des conditions de sécheresse en 2021. Ainsi, l’économie de la Saskatchewan est en voie de surpasser le rendement que les autres provinces ont atteint en 2022. L’agriculture n’est toutefois pas le seul secteur qui contribue à la relance économique. En effet, la production de potasse à des fins d’exportation est aussi en plein essor, puisque la guerre en Ukraine a mis sur pause une grande part de la production mondiale. Avec un bond de près de 100 % en 2022, les ventes de potasse devraient dépasser la barre d’un milliard de dollars. Nous prévoyons aussi que la demande mondiale pour les produits agricoles et la potasse de la Saskatchewan demeurera forte en 2023, ce qui pavera la voie à une croissance accrue. À cet égard, les principaux producteurs de potasse ont déjà annoncé leur intention d’accroître considérablement leur production dans la province au cours des prochaines années.
Les perspectives à long terme demeurent positives pour ce secteur, ce qui attire d’importants investissements. Parmi eux se trouve l’imposant projet d’exploitation de la mine de Jansen (12 milliards de dollars), dont le développement est accéléré par son propriétaire, BHP Billiton. La première production de la mine est prévue pour 2026, et la construction de la nouvelle installation stimulera l’industrie de la construction tout en générant des emplois pour les prochaines années.
Bien que la Saskatchewan ait été en queue de peloton pour la croissance de l’emploi pendant la majeure partie de 2022, son taux d’emploi a finalement dépassé son niveau d’avant la pandémie en octobre. L’essor du marché des matières premières et la faible croissance de la main-d’œuvre créeront un resserrement relatif du marché de l’emploi pour l’année à venir. En fait, le taux de chômage, qui est prévu à 5,1 %, devrait être le plus faible au Canada en 2023. Enfin, le maintien des prix des matières premières et la situation budgétaire avantageuse de la province devraient amortir le choc du ralentissement mondial qui se profile.
Manitoba – Un rythme lent, mais constant
L’économie du Manitoba, très diversifiée, se montrera à la hauteur de sa réputation en progressant à un rythme lent, mais constant en 2023. Elle devrait éviter une récession, selon nous, même si sa croissance ralentira pour s’établir à 0,8 %, par rapport à un rythme élevé de 3,7 % en 2022. Les marchés intérieur et extérieur feront face à des vents contraires.
À l’approche de la nouvelle année, l’économie de la province dispose d’un bon élan. L’activité manufacturière est élevée, la production agricole a fortement rebondi, le secteur de l’énergie bénéficie de marchés mondiaux vigoureux et les ménages continuent d’assouvir leur demande accumulée lorsque les restrictions liées à la pandémie étaient en vigueur. Comme partout ailleurs au pays, le marché du logement provincial a considérablement ralenti par rapport à son sommet, mais il se maintient encore près des niveaux (robustes) d’avant la pandémie.
Cependant, la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation ainsi que la récession qui frappera d’importants marchés d’exportation porteront ombrage à plusieurs de ces tendances. Nous nous attendons en particulier à ce que les consommateurs deviennent plus prudents quant à leurs dépenses. La hausse des taux d’intérêt pourrait ne pas les toucher autant que leurs homologues des autres provinces (p. ex., en Colombie-Britannique et en Ontario), mais l’augmentation du coût de la vie pèsera assurément sur leur budget. De plus, la détérioration de la conjoncture à l’étranger devrait tempérer la demande de certains produits d’exportation du Manitoba.
Nous croyons que le marché du logement mettra plus de temps à s’adapter à la hausse des taux d’intérêt et qu’il continuera probablement de fléchir au début de 2023. Mais l’accroissement rapide de l’immigration dans la province permettra aux constructeurs d’habitations d’aller de l’avant. Selon nous, les mises en chantier augmenteront à 7 800 unités en 2023, par rapport à 7 600 unités en 2022.
Le Manitoba est devenu une source de produits agricoles encore plus vitale à l’échelle mondiale depuis le début de la guerre en Ukraine. Grâce à des conditions météorologiques plus clémentes en 2022, la production agricole a fortement augmenté. Alors que la guerre continue de perturber les expéditions ukrainiennes vers les marchés mondiaux, la demande de céréales et d’autres denrées alimentaires du Manitoba demeure plus forte que jamais. Selon nous, ce contexte créera d’autres occasions pour les producteurs manitobains en 2023.
Ontario – La route s’annonce plus cahoteuse
La trajectoire économique de l’Ontario est sur le point de devenir beaucoup plus cahoteuse. La flambée des taux d’intérêt et la hausse du coût de la vie changeront radicalement la conjoncture, obligeant de nombreux Ontariens et entreprises à se serrer la ceinture. Nous croyons qu’il en résultera une légère contraction de l’économie provinciale en 2023. À l’instar de notre scénario pour le Canada, nous prévoyons que le repli sera modéré et de courte durée, et que la croissance reprendra en 2024.
La campagne de relèvement des taux d’intérêt de la Banque du Canada visant à juguler l’inflation a déjà permis d’atténuer un facteur important de la reprise post-pandémique : le logement. Les reventes de maisons en Ontario ont rapidement diminué (par rapport à des niveaux records) dès que la banque centrale a lancé sa campagne, atteignant des niveaux jamais vus depuis plus de 13 ans (à l’exclusion de la période de confinement du printemps 2020). Nous nous attendons à ce que le marché demeure calme en 2023, ce qui freinera ce secteur de l’économie.
Par contre, la construction résidentielle pourrait bien se raffermir au cours de l’année à venir. Les décideurs, les constructeurs et les promoteurs se sont fermement engagés à atteindre un objectif de 1,5 million de nouvelles unités en dix ans dans la province. Ce contexte stimulera selon nous la construction résidentielle, mais les contraintes de capacité limiteront la hausse. Nous prévoyons que les mises en chantier passeront de 94 200 unités en 2022 à 97 300 unités en 2023, ce qui est encore bien en deçà du rythme annuel de 150 000 unités nécessaires à l’atteinte de la cible provinciale.
La hausse des taux d’intérêt et le niveau élevé du coût de la vie constitueront une pénible combinaison pour de nombreux Ontariens lourdement endettés. Nous nous attendons à ce que les pressions financières croissantes freinent considérablement les dépenses des ménages dans la province, tranchant ainsi avec la frénésie de consommation qui a marqué la majeure partie de la pandémie. Toute réduction est plus susceptible de toucher les dépenses discrétionnaires.
En raison des perturbations des chaînes logistiques mondiales, les fabricants de l’Ontario ont connu de vives turbulences au cours des trois dernières années. Toutefois, un fléchissement de la demande de leurs produits a rarement été un problème. Maintenant qu’une récession est sur le point de plomber les marchés au pays et à l’étranger, la demande de nombreux produits ontariens devrait s’atténuer. Un ralentissement de l’activité manufacturière devrait s’ensuivre au cours de l’année à venir, selon nous.
Québec – Le ralentissement devrait s’accentuer et se généraliser
L’économie du Québec montre déjà des signes de ralentissement. Les secteurs producteurs de biens cèdent certains des solides gains enregistrés plus tôt pendant la pandémie quand la demande (au pays et à l’étranger) a explosé. Nous nous attendons à ce que le ralentissement se poursuive, s’étende au secteur des services en 2023, et freine la croissance globale.
Le secteur de la construction a également suivi le repli marqué du marché du logement. La baisse enregistrée au niveau de la construction résidentielle n’a vraiment rien d’étonnant en regard du sommet de 34 ans précédemment établi en 2021 (le rythme des mises en chantier de près de 68 000 unités d’habitation était bien évidemment insoutenable). La construction non résidentielle ralentit aussi à cause du plafonnement des grands projets d’infrastructure.
Le repli du secteur devrait se poursuivre jusqu’en 2023. Le marché du logement provincial n’a pas encore pleinement intégré la hausse des taux d’intérêt selon nous, et nous nous attendons à ce que cela freine les investissements résidentiels encore pendant un certain temps.
La levée des restrictions liées à la pandémie en 2022 a, elle, profité à de nombreux secteurs de services, comme l’hôtellerie, le divertissement et les loisirs. Ces secteurs qui ne se sont pas encore entièrement redressés devront, pour certains d’entre eux, faire face à d’autres difficultés. La hausse des taux d’intérêt, la diminution de la richesse et l’augmentation du coût de la vie inciteront probablement les consommateurs québécois à réduire et à revoir leurs dépenses, surtout celles qui sont discrétionnaires. Cela devrait freiner l’activité dans le secteur des services.
Une récession mondiale (surtout aux États-Unis, principal marché d’exportation étranger du Québec) limitera probablement la demande d’exportations de la province. Tous ces facteurs, en plus des perspectives inquiétantes concernant les consommateurs et les entreprises de la province, inciteront de nombreux fabricants québécois à rester sur la défensive durant l’année à venir.
Les employeurs provinciaux pourraient, eux, tirer avantage des événements puisque le ralentissement économique refroidira la demande de travailleurs, et réduira consécutivement la pénurie de main-d’œuvre à tous les niveaux sectoriels. Nous prévoyons que le taux de chômage au Québec passera d’un creux record de 4,3 % en 2022 à 5,4 % en 2023 et que les niveaux historiquement élevés de l’immigration contribueront à résoudre ces problèmes.
Nouveau Brunswick – Les consommateurs sont épuisés, mais ne restent pas sur la touche
Nous prévoyons que la croissance de l’économie du Nouveau-Brunswick suivra la tendance générale et ralentira encore en 2023 pour atteindre 1,1 %, tout en dépassant la moyenne nationale (+0,4 %). Grâce à l’expansion rapide de la population, les dépenses des ménages continueront d’augmenter (mais à un rythme ralenti), ce qui protégera l’économie du Nouveau-Brunswick d’une contraction généralisée dans l’année à venir.
Compte tenu du coût de la vie relativement abordable, le Nouveau-Brunswick est devenu une destination appréciée des Canadiens et des nouveaux arrivants. Juste après l’Ontario, le Nouveau-Brunswick a accueilli la plus forte proportion de résidents non permanents nets au Canada, passant de 0,8 % en 2019 à 7,6 % en 2021. Et comme les préoccupations en matière d’accessibilité se multiplient ailleurs au Canada, cette tendance ne devrait pas s’inverser d’ici peu.
Alors que la province continue de battre ses précédents records de croissance démographique, cet afflux important de personnes a eu des répercussions sur les niveaux de consommation et d’investissement. Bien qu’elle soit en baisse par rapport à la frénésie de dépenses suivant la pandémie, la croissance de la vente au détail en 2023 (+1,3 %) devrait figurer parmi les plus élevées au Canada, et ce, en grande partie grâce à la grande migration d’entrée.
Toutefois, la résilience relative des dépenses des ménages n’isolera pas complètement l’économie du Nouveau-Brunswick du repli mondial. En effet, la hausse des taux d’intérêt et la flambée de l’inflation ont déjà commencé à entraver les exportations et l’activité manufacturière de la province. Après avoir plafonné en mai, les ventes manufacturières ont chuté de 15 % en septembre et les exportations ont baissé de 41 % pendant la même période. De plus, l’investissement dans le secteur non résidentiel ne s’est pas encore totalement normalisé après la crise de 2020, même si le revirement réalisé dans la principale raffinerie de pétrole de la province devrait stimuler les dépenses à court terme.
En raison du marché du travail le plus tendu dans l’histoire, la province subit une forte pression à la hausse sur les salaires, qui grimpent au rythme le plus rapide au Canada. L’empressement à reconstruire les infrastructures et les immeubles dans la foulée de l’ouragan Fiona ne contribue pas non plus à réduire les coûts des matériaux et de la main-d’œuvre. Cela dit, le ralentissement général de l’activité économique devrait freiner le marché du travail, soutenant ainsi une augmentation du taux de chômage, qui passera de 7,3 % en 2022 à 8,1 % en 2023, et une modération significative de l’inflation.
Nouvelle-Écosse – L’essor de la population offre une bonne protection
La Nouvelle-Écosse ne sera pas à l’abri de l’affaiblissement global de l’économie, mais l’expansion rapide de sa population devrait la protéger contre une récession. La flambée de l’inflation et la forte hausse des taux d’intérêt devraient considérablement freiner les dépenses de consommation au cours de l’année à venir, entraînant ainsi un ralentissement de la croissance de l’économie, qui devrait passer de 2 % en 2022 à 1,2 % en 2023. Malgré tout, la croissance de la province serait supérieure à la moyenne nationale de 0,4 %.
Le secteur des services de la Nouvelle-Écosse s’est rétabli du ralentissement dû à la pandémie, mais les industries produisant des biens devront peut-être attendre encore un peu avant de réaliser un retour complet. Les récessions prévues en Amérique du Nord et en Europe en 2023 risquent de nuire à la reprise, car elles pèsent sur la demande d’exportations de la province.
Bien connue pour son coût de la vie abordable, la Nouvelle-Écosse a récemment attiré un nombre record de migrants internationaux et interprovinciaux. L’arrivée de migrants plus jeunes (la plupart en âge actif) contribue à rajeunir la population : l’âge médian passe de 45,1 ans en 2018 à 44,2 ans en 2022. Elle permet également de répondre aux demandes des employeurs. Nous prévoyons que la croissance de l’emploi demeurera positive en 2023 (+0,3 %), légèrement au-dessus de la moyenne canadienne (-0,1 %).
Cet afflux important de personnes stimule plusieurs secteurs économiques, en particulier celui du logement. Bien que le marché provincial du logement soit soumis en ce moment à une correction cyclique qui se poursuivra probablement en 2023, nous croyons que les activités liées à la construction résidentielle continueront de se multiplier l’an prochain. Nous estimons que les mises en chantier passeront de 6 600 unités en 2022 à 7 300 unités en 2023. L’inflation ayant probablement plafonné (7,4 % en 2022), les constructeurs devraient profiter du recul des coûts des matériaux pour bâtir davantage de résidences.
La croissance démographique rapide pourrait atténuer les pressions sur les dépenses des ménages et sur les investissements découlant de la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt. La situation sera facilitée par l’endettement moindre des Néo-Écossais par rapport à celui de nombreux autres Canadiens. Par conséquent, ils seront moins sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt.
Île-du-Prince-Édouard – Les nouveaux arrivants contribuent à consolider les assises de l’économie
À notre avis, l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard continuera de croître en 2023. Bien que le taux de croissance prévu de 1,3 % soit un peu plus lent que celui de 2,3 % anticipé pour 2022, il dépasserait largement la moyenne nationale (+0,4 %). Le faible niveau d’endettement des ménages et l’essor de la population sont favorables aux dépenses des ménages et aux investissements résidentiels dans la province.
L’économie a surmonté des difficultés considérables en 2022. Un champignon rare s’attaquant à la pomme de terre a nui à ses exportations au début de l’année. De plus, l’ouragan Fiona a gravement perturbé les activités (et laissé la destruction dans son sillage) en septembre. Malgré tout, l’économie provinciale a gardé le cap. La levée des restrictions, la réouverture de la frontière et une explosion démographique historique ont permis une poursuite de l’expansion, bien qu’à une fraction du rythme (insoutenable) enregistré en 2021 (+7,9 %).
L’île devrait connaître la croissance démographique la plus rapide de toutes les provinces, pour une sixième année consécutive. La province accueillant plus de migrants que jamais, la population grandissante a un effet sensible sur la consommation des ménages et les investissements résidentiels. Les ventes au détail ont bondi de plus de 20 % par rapport à leurs niveaux d’avant la pandémie et la revente de maisons s’est maintenue à des sommets historiques pendant la pandémie, jusqu’à ce que le marché plonge au printemps de 2022. Nous nous attendons à ce que l’immigration reste solide en 2023, alimentant la construction résidentielle dans la province. De plus, nous prévoyons que les mises en chantier passeront de 1 100 unités en 2022 à 1 400 unités en 2023.
Le marché du travail de la province est en pleine effervescence. L’emploi s’est accru de 6,8 % au cours des 11 premiers mois de 2022, ce qui est supérieur de 3 points de pourcentage à la moyenne nationale. Toutefois, comme des projets ponctuels de reconstruction d’infrastructures sont sur le point de prendre fin et que l’économie s’essouffle, nous prévoyons que la croissance de l’emploi ralentira considérablement en 2023 (à +0,4 %).
Terre-Neuve-et-Labrador – À contre-courant du ralentissement tendanciel
À la traîne des autres provinces, Terre-Neuve-et-Labrador devrait accélérer sa reprise consécutive à la pandémie en 2023. Nous nous attendons à ce que la production pétrolière et minière augmente et à ce qu’une forte expansion démographique stimule la demande de biens et de services dans la province. Ces facteurs contribueront à une accélération de la croissance provinciale à 1,8 % en 2023, à contre-courant de la tendance générale à la baisse.
À la traîne des autres provinces, Terre-Neuve-et-Labrador devrait accélérer sa reprise consécutive à la pandémie en 2023. Nous nous attendons à ce que la production pétrolière et minière augmente et à ce qu’une forte expansion démographique stimule la demande de biens et de services dans la province. Ces facteurs contribueront à une accélération de la croissance provinciale à 1,8 % en 2023, à contre-courant de la tendance générale à la baisse.
Bien que la plupart des secteurs de l’économie aient gagné du terrain en 2022, grâce à la levée des restrictions résultant de la pandémie et à l’effervescence des marchés mondiaux des marchandises, les retards dans le rétablissement de la capacité de production pétrolière ont freiné la croissance. Celle-ci devrait s’établir à 0,9 %, selon nous, en deçà de celle des autres provinces. Ce résultat serait quand même mieux que la progression de 0,6 % enregistrée en 2021, année où l’effondrement des prix du pétrole imputable à la pandémie avait durement touché la principale marchandise d’exportation de la province et où les investissements des entreprises avaient chuté.
Les perspectives du secteur des ressources de Terre-Neuve-et-Labrador se sont améliorées depuis que la guerre en Ukraine a entraîné une flambée des prix des produits de base à l’échelle mondiale (du moins temporairement). Toutefois, les travaux d’entretien et l’instabilité des flux d’investissements ont jusqu’à présent empêché les producteurs de la province de tirer pleinement parti des occasions. Nous pensons que la situation changera en 2023, lorsque le projet pétrolier West White Rose reprendra sa production et que les investissements dans le secteur minier augmenteront.
Tableaux détaillés des prévisions:
Canada, États-Unis et marchés financiers
Économies provinciales
À propos des auteurs
À titre d’économiste en chef, Craig Wright dirige une équipe d’économistes qui mènent des recherches sur l’économie, les titres à revenu fixe et les devises pour le compte de clients de RBC. M. Wright collabore régulièrement à un certain nombre de publications de RBC, et il est l’un des principaux animateurs des séances d’information que les Services économiques organisent de façon périodique pour communiquer les résultats d’analyses économiques aux clients et aux médias.
Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales
Nathan Janzen est économiste en chef adjoint. Il dirige le groupe d’analyse macroéconomique. Il s’intéresse principalement à la situation macroéconomique du Canada et des États-Unis, qu’il analyse et pour laquelle il formule des prévisions.
Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les analyses macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, à l’emploi et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.
Carrie Freestone est économiste à RBC. Elle produit des analyses sur le marché du travail et est membre du groupe d’Analyse régionale, où elle contribue à l’établissement des perspectives macroéconomiques de la province.
Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales.
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.
La suspension des hausses de taux d’intérêt n’empêchera pas une récession de se produire au Canada au cours de l’année à venir. Un repli au moins modéré est probablement déjà assuré, au vu du niveau actuellement restrictif des taux d’intérêt. L’activité sur le marché du logement semble s’approcher d’un creux après avoir subi une brusque correction au printemps et à l’été. Cela dit, l’incidence résiduelle du relèvement des taux d’intérêt continuera de se répercuter (au fil du renouvellement des hypothèques à taux fixe, par exemple). Les dépenses de consommation s’en trouveront affaiblies au cours des prochains trimestres. Au Canada, la part du revenu disponible des ménages absorbée par le remboursement de la dette grimpera à des niveaux records, d’ici la fin de l’année prochaine. La hausse des remboursements de la dette des ménages et l’inflation devraient amputer de 3 000 $ le pouvoir d’achat des ménages en 2023.
Les pressions exercées sur les chaînes logistiques mondiales fléchissent, tout comme les perspectives du secteur manufacturier
Bien que les coûts et les délais d’expédition par voie maritime soient encore supérieurs aux niveaux d’avant la pandémie, ils ont diminué considérablement. Le coût d’acheminement d’un conteneur de la Chine vers la côte ouest des États-Unis a chuté de plus de 90 % par rapport aux sommets atteints l’an dernier. Mais la baisse de la demande d’expéditions est aussi un signe que l’activité manufacturière mondiale ralentit. Les dépenses de consommation liées aux marchandises physiques devraient figurer parmi les premières victimes de la réduction du pouvoir d’achat des ménages, ce qui entraînera une baisse des commandes de produits manufacturés. Après avoir fait preuve de vigueur pendant une bonne partie des deux dernières années, les indices des directeurs d’achats (PMI) du secteur manufacturier, qui sont suivis de près, annoncent une contraction dans la plupart des grandes économies mondiales (y compris le Canada) au cours de l’année à venir.
Le chômage devrait augmenter alors que les offres d’emploi diminuent
L’important surplus d’offres d’emploi par rapport aux travailleurs disponibles freine l’évolution du taux de chômage à court terme. Au Canada, le nombre de postes vacants dépassait de 60 % celui d’avant la pandémie en novembre, les entreprises rivalisant pour attirer 9 % de chômeurs en moins. Cette situation limitera le nombre de pertes d’emplois attribuables au ralentissement de la demande de main-d’œuvre dans l’ensemble de l’économie, puisque certaines de ces offres d’emploi sont retirées avant d’être comblées, et que les heures travaillées diminuent avant les mises à pied. Nous prévoyons que les niveaux d’emploi en 2023 demeureront essentiellement les mêmes qu’en 2022. Néanmoins, l’allongement de la durée de recherche d’emploi et une absorption plus lente des nouveaux arrivants sur le marché du travail feront monter le taux de chômage à 6,8 % d’ici la fin de l’année prochaine.
L’immigration et les investissements des entreprises seront essentiels à la prochaine reprise économique
Chaque récession de l’histoire a été suivie d’une reprise. Nous nous attendons à ce qu’une hausse de l’immigration et de solides investissements des entreprises jouent un rôle essentiel dans le retour à la croissance dans le courant de 2023 et en 2024. Ce sont les pénuries de main-d’œuvre qui ont le plus pesé sur la croissance économique. Et bien que ces pénuries pourraient s’atténuer au cours de l’année à venir, alors que le taux de chômage augmentera, elles réapparaîtront lorsque l’économie se redressera. Le départ à la retraite des baby-boomers entraîne une diminution structurelle du bassin de travailleurs. Cette situation se traduit par des pressions à la hausse plus fortes sur les salaires, et pourrait engendrer des taux d’intérêt structurellement plus élevés qu’ils ne l’étaient avant la pandémie.
Le relèvement des objectifs d’immigration visant à remédier aux pénuries de main-d’œuvre contribuera à stimuler l’offre de main-d’œuvre et la capacité de production à long terme de l’économie. Cependant, des salaires plus élevés incitent également les entreprises à accroître la capacité de production de la main-d’œuvre existante en augmentant les investissements dans l’équipement et les technologies qui améliorent la productivité.
Perspectives provinciales
Bien que l’économie canadienne devrait se contracter en 2023, le ralentissement devrait varier d’une province à l’autre. Les prix élevés des matières premières continueront d’attirer des investissements et de soutenir la croissance des exportations, ce qui devrait bénéficier aux provinces des prairies axées sur les matières premières. De même, une population en plein essor dans l’est du pays stimulera l’investissement résidentiel et les dépenses de consommation malgré le ralentissement économique général. Toutefois le reste du Canada ne sera pas aussi chanceux. Alors que l’élan du Québec a déjà ralenti significativement, une dette élevée des ménages en Colombie-Britannique et en Ontario rend les résidents et les entreprises particulièrement sensibles aux hausses de taux d’intérêt – plaçant ces provinces à un plus grand risque de récession en 2023.
Des tableaux de prévisions détaillés pour les provinces sont disponibles ici.
Colombie-Britannique – Le dynamisme s’estompera
L’économie de la Colombie-Britannique sera touchée par les mêmes forces en jeu que dans d’autres provinces, à savoir la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, et la perte de richesse des ménages. Toutefois, nous croyons que les dépenses des ménages et les investissements résidentiels dans la province subiront un recul plus marqué au cours de la prochaine année. Nous prévoyons également un apport plus modeste à l’économie provenant d’importants projets d’investissement. Ces facteurs laissent entrevoir selon nous une faible croissance de seulement 0,3 % en 2023.
Après avoir fortement contribué à la reprise de la Colombie-Britannique pendant la majeure partie de la pandémie, le marché du logement a connu un repli spectaculaire depuis mars 2022. Nous croyons que la correction n’est pas encore terminée et qu’elle se poursuivra en 2023, plombant les investissements résidentiels dans la province. Le raffermissement de la construction de logements devrait toutefois apporter un certain soutien. Nous prévoyons que les mises en chantier augmenteront à 49 800 unités en 2023, par rapport à 48 000 en 2022, les constructeurs, les promoteurs et les décideurs s’attaquant à des problèmes de longue date en matière d’offre. Une immigration record dans la province accentuera la nécessité de construire davantage de logements.
Les perspectives pour les investissements non résidentiels laissent également entrevoir une certaine modération. D’importants projets d’investissement dans la province (y compris le barrage hydroélectrique du Site C, le projet de GNL à Kitimat et le gazoduc Coastal Gaslink) sont en voie d’achèvement ou ont franchi la phase d’accélération. Par conséquent, ils ne contribueront plus à la croissance. Nous avons du mal à trouver de nouveaux grands projets d’immobilisations qui prendront leur place. La production de gaz naturel liquéfié ne débutera que dans quelques années et ne stimulera pas l’économie de la Colombie-Britannique d’ici là.
Nous prévoyons un ralentissement marqué des dépenses des ménages en 2023. Les résidents de cette province sont les plus lourdement endettés du Canada, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux hausses de taux d’intérêt.
Les perspectives du secteur du tourisme sont incertaines, car l’économie mondiale est au bord de la récession. Les fortes pressions croissantes s’exerçant sur les consommateurs au pays et à l’étranger n’augurent rien de bon pour les dépenses touristiques en Colombie-Britannique. Cependant, l’énorme demande de voyages qui s’est accumulée pendant la pandémie pourrait soutenir efficacement le secteur du tourisme à court terme.
Alberta – Pas de récession
L’Alberta se distinguera encore en 2023. La province évitera probablement une récession grâce en partie à son secteur de l’énergie plus vigoureux et à la reprise généralisée de son économie. Il faut dire que l’économie de la province est toujours en mode rattrapage depuis 2014 après deux importantes récessions. Nous prévoyons une solide croissance de 1,9 % en 2023, supérieure à celle de toutes les autres provinces. Cette prévision constituerait tout de même une décélération marquée par rapport à la croissance de 4,9 % prévue en 2022, alors que la forte hausse des taux d’intérêt et l’inflation élevée freinent les dépenses des ménages et des entreprises.
Les prix de l’énergie devraient rester élevés, du moins à court terme. Selon notre hypothèse de base, les prix du pétrole dépasseront de 54 % les niveaux d’avant la pandémie (2019) en 2023. Les activités de forage ont augmenté en 2022 et nous nous attendons à ce qu’elles poursuivent sur cette lancée en 2023. L’achèvement de l’expansion du pipeline Trans Mountain fournira de nouvelles voies d’exportation. Les entreprises investissent également dans la décarbonation de façon importante. Dans la région la plus ensoleillée de l’Alberta, les travaux des centrales solaires les plus imposantes au pays sont presque terminés, tandis que ceux des projets d’énergie solaire à plus petite échelle s’intensifient.
Les prix du blé resteront probablement élevés en raison de la diminution importante de l’offre à l’échelle mondiale. La production de blé a remarquablement rebondi en 2022 (hausse de 77 %) après les sécheresses dévastatrices de 2021. Les producteurs de l’Alberta devraient profiter de la hausse des prix, tant que les conditions de récolte resteront favorables au cours de la prochaine année.
Le secteur du logement de l’Alberta devrait continuer de faire belle figure. Malgré la tendance à la détérioration dans la dernière année, l’accessibilité à la propriété dans la région demeure meilleure par rapport à celle d’autres régions du pays. Cela peut exercer un attrait majeur sur les personnes qui migrent vers la province. L’immigration a repris et devrait atteindre des niveaux records en 2022. Les migrations interprovinciales affichent aussi une tendance positive pour la première fois depuis l’effondrement des prix du pétrole. Nous pensons que les mises en chantier augmenteront encore en 2023 dans ces circonstances.
Il y a bien des raisons de se réjouir, mais les ménages de l’Alberta ne sont pour autant pas à l’abri des défis posés par les fortes hausses des taux d’intérêt et l’inflation élevée. L’augmentation des coûts du service de la dette limitera l’envie de dépenser de beaucoup d’Albertains. Cela devrait ralentir considérablement la croissance des ventes au détail dans la province.
Saskatchewan – Une croissance prometteuse grâce aux ressources naturelles
Nous nous attendons à ce que l’économie provinciale se porte relativement bien dans un contexte de ralentissement général au Canada. La forte demande mondiale pour les produits coûteux de la Saskatchewan et les investissements importants visant à exploiter davantage ses ressources maintiendront une croissance modérée (1,5 %) de l’économie en 2023. Cet engouement permettra à la Saskatchewan de se classer parmi les provinces dont la croissance est la plus marquée, et ce, pour une deuxième année consécutive.
De plus, la production agricole s’est bien remise sur pied après avoir été ralentie par des conditions de sécheresse en 2021. Ainsi, l’économie de la Saskatchewan est en voie de surpasser le rendement que les autres provinces ont atteint en 2022. L’agriculture n’est toutefois pas le seul secteur qui contribue à la relance économique. En effet, la production de potasse à des fins d’exportation est aussi en plein essor, puisque la guerre en Ukraine a mis sur pause une grande part de la production mondiale. Avec un bond de près de 100 % en 2022, les ventes de potasse devraient dépasser la barre d’un milliard de dollars. Nous prévoyons aussi que la demande mondiale pour les produits agricoles et la potasse de la Saskatchewan demeurera forte en 2023, ce qui pavera la voie à une croissance accrue. À cet égard, les principaux producteurs de potasse ont déjà annoncé leur intention d’accroître considérablement leur production dans la province au cours des prochaines années.
Les perspectives à long terme demeurent positives pour ce secteur, ce qui attire d’importants investissements. Parmi eux se trouve l’imposant projet d’exploitation de la mine de Jansen (12 milliards de dollars), dont le développement est accéléré par son propriétaire, BHP Billiton. La première production de la mine est prévue pour 2026, et la construction de la nouvelle installation stimulera l’industrie de la construction tout en générant des emplois pour les prochaines années.
Bien que la Saskatchewan ait été en queue de peloton pour la croissance de l’emploi pendant la majeure partie de 2022, son taux d’emploi a finalement dépassé son niveau d’avant la pandémie en octobre. L’essor du marché des matières premières et la faible croissance de la main-d’œuvre créeront un resserrement relatif du marché de l’emploi pour l’année à venir. En fait, le taux de chômage, qui est prévu à 5,1 %, devrait être le plus faible au Canada en 2023. Enfin, le maintien des prix des matières premières et la situation budgétaire avantageuse de la province devraient amortir le choc du ralentissement mondial qui se profile.
Manitoba – Un rythme lent, mais constant
L’économie du Manitoba, très diversifiée, se montrera à la hauteur de sa réputation en progressant à un rythme lent, mais constant en 2023. Elle devrait éviter une récession, selon nous, même si sa croissance ralentira pour s’établir à 0,8 %, par rapport à un rythme élevé de 3,7 % en 2022. Les marchés intérieur et extérieur feront face à des vents contraires.
À l’approche de la nouvelle année, l’économie de la province dispose d’un bon élan. L’activité manufacturière est élevée, la production agricole a fortement rebondi, le secteur de l’énergie bénéficie de marchés mondiaux vigoureux et les ménages continuent d’assouvir leur demande accumulée lorsque les restrictions liées à la pandémie étaient en vigueur. Comme partout ailleurs au pays, le marché du logement provincial a considérablement ralenti par rapport à son sommet, mais il se maintient encore près des niveaux (robustes) d’avant la pandémie.
Cependant, la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation ainsi que la récession qui frappera d’importants marchés d’exportation porteront ombrage à plusieurs de ces tendances. Nous nous attendons en particulier à ce que les consommateurs deviennent plus prudents quant à leurs dépenses. La hausse des taux d’intérêt pourrait ne pas les toucher autant que leurs homologues des autres provinces (p. ex., en Colombie-Britannique et en Ontario), mais l’augmentation du coût de la vie pèsera assurément sur leur budget. De plus, la détérioration de la conjoncture à l’étranger devrait tempérer la demande de certains produits d’exportation du Manitoba.
Nous croyons que le marché du logement mettra plus de temps à s’adapter à la hausse des taux d’intérêt et qu’il continuera probablement de fléchir au début de 2023. Mais l’accroissement rapide de l’immigration dans la province permettra aux constructeurs d’habitations d’aller de l’avant. Selon nous, les mises en chantier augmenteront à 7 800 unités en 2023, par rapport à 7 600 unités en 2022.
Le Manitoba est devenu une source de produits agricoles encore plus vitale à l’échelle mondiale depuis le début de la guerre en Ukraine. Grâce à des conditions météorologiques plus clémentes en 2022, la production agricole a fortement augmenté. Alors que la guerre continue de perturber les expéditions ukrainiennes vers les marchés mondiaux, la demande de céréales et d’autres denrées alimentaires du Manitoba demeure plus forte que jamais. Selon nous, ce contexte créera d’autres occasions pour les producteurs manitobains en 2023.
Ontario – La route s’annonce plus cahoteuse
La trajectoire économique de l’Ontario est sur le point de devenir beaucoup plus cahoteuse. La flambée des taux d’intérêt et la hausse du coût de la vie changeront radicalement la conjoncture, obligeant de nombreux Ontariens et entreprises à se serrer la ceinture. Nous croyons qu’il en résultera une légère contraction de l’économie provinciale en 2023. À l’instar de notre scénario pour le Canada, nous prévoyons que le repli sera modéré et de courte durée, et que la croissance reprendra en 2024.
La campagne de relèvement des taux d’intérêt de la Banque du Canada visant à juguler l’inflation a déjà permis d’atténuer un facteur important de la reprise post-pandémique : le logement. Les reventes de maisons en Ontario ont rapidement diminué (par rapport à des niveaux records) dès que la banque centrale a lancé sa campagne, atteignant des niveaux jamais vus depuis plus de 13 ans (à l’exclusion de la période de confinement du printemps 2020). Nous nous attendons à ce que le marché demeure calme en 2023, ce qui freinera ce secteur de l’économie.
Par contre, la construction résidentielle pourrait bien se raffermir au cours de l’année à venir. Les décideurs, les constructeurs et les promoteurs se sont fermement engagés à atteindre un objectif de 1,5 million de nouvelles unités en dix ans dans la province. Ce contexte stimulera selon nous la construction résidentielle, mais les contraintes de capacité limiteront la hausse. Nous prévoyons que les mises en chantier passeront de 94 200 unités en 2022 à 97 300 unités en 2023, ce qui est encore bien en deçà du rythme annuel de 150 000 unités nécessaires à l’atteinte de la cible provinciale.
La hausse des taux d’intérêt et le niveau élevé du coût de la vie constitueront une pénible combinaison pour de nombreux Ontariens lourdement endettés. Nous nous attendons à ce que les pressions financières croissantes freinent considérablement les dépenses des ménages dans la province, tranchant ainsi avec la frénésie de consommation qui a marqué la majeure partie de la pandémie. Toute réduction est plus susceptible de toucher les dépenses discrétionnaires.
En raison des perturbations des chaînes logistiques mondiales, les fabricants de l’Ontario ont connu de vives turbulences au cours des trois dernières années. Toutefois, un fléchissement de la demande de leurs produits a rarement été un problème. Maintenant qu’une récession est sur le point de plomber les marchés au pays et à l’étranger, la demande de nombreux produits ontariens devrait s’atténuer. Un ralentissement de l’activité manufacturière devrait s’ensuivre au cours de l’année à venir, selon nous.
Québec – Le ralentissement devrait s’accentuer et se généraliser
L’économie du Québec montre déjà des signes de ralentissement. Les secteurs producteurs de biens cèdent certains des solides gains enregistrés plus tôt pendant la pandémie quand la demande (au pays et à l’étranger) a explosé. Nous nous attendons à ce que le ralentissement se poursuive, s’étende au secteur des services en 2023, et freine la croissance globale.
Le secteur de la construction a également suivi le repli marqué du marché du logement. La baisse enregistrée au niveau de la construction résidentielle n’a vraiment rien d’étonnant en regard du sommet de 34 ans précédemment établi en 2021 (le rythme des mises en chantier de près de 68 000 unités d’habitation était bien évidemment insoutenable). La construction non résidentielle ralentit aussi à cause du plafonnement des grands projets d’infrastructure.
Le repli du secteur devrait se poursuivre jusqu’en 2023. Le marché du logement provincial n’a pas encore pleinement intégré la hausse des taux d’intérêt selon nous, et nous nous attendons à ce que cela freine les investissements résidentiels encore pendant un certain temps.
La levée des restrictions liées à la pandémie en 2022 a, elle, profité à de nombreux secteurs de services, comme l’hôtellerie, le divertissement et les loisirs. Ces secteurs qui ne se sont pas encore entièrement redressés devront, pour certains d’entre eux, faire face à d’autres difficultés. La hausse des taux d’intérêt, la diminution de la richesse et l’augmentation du coût de la vie inciteront probablement les consommateurs québécois à réduire et à revoir leurs dépenses, surtout celles qui sont discrétionnaires. Cela devrait freiner l’activité dans le secteur des services.
Une récession mondiale (surtout aux États-Unis, principal marché d’exportation étranger du Québec) limitera probablement la demande d’exportations de la province. Tous ces facteurs, en plus des perspectives inquiétantes concernant les consommateurs et les entreprises de la province, inciteront de nombreux fabricants québécois à rester sur la défensive durant l’année à venir.
Les employeurs provinciaux pourraient, eux, tirer avantage des événements puisque le ralentissement économique refroidira la demande de travailleurs, et réduira consécutivement la pénurie de main-d’œuvre à tous les niveaux sectoriels. Nous prévoyons que le taux de chômage au Québec passera d’un creux record de 4,3 % en 2022 à 5,4 % en 2023 et que les niveaux historiquement élevés de l’immigration contribueront à résoudre ces problèmes.
Nouveau Brunswick – Les consommateurs sont épuisés, mais ne restent pas sur la touche
Nous prévoyons que la croissance de l’économie du Nouveau-Brunswick suivra la tendance générale et ralentira encore en 2023 pour atteindre 1,1 %, tout en dépassant la moyenne nationale (+0,4 %). Grâce à l’expansion rapide de la population, les dépenses des ménages continueront d’augmenter (mais à un rythme ralenti), ce qui protégera l’économie du Nouveau-Brunswick d’une contraction généralisée dans l’année à venir.
Compte tenu du coût de la vie relativement abordable, le Nouveau-Brunswick est devenu une destination appréciée des Canadiens et des nouveaux arrivants. Juste après l’Ontario, le Nouveau-Brunswick a accueilli la plus forte proportion de résidents non permanents nets au Canada, passant de 0,8 % en 2019 à 7,6 % en 2021. Et comme les préoccupations en matière d’accessibilité se multiplient ailleurs au Canada, cette tendance ne devrait pas s’inverser d’ici peu.
Alors que la province continue de battre ses précédents records de croissance démographique, cet afflux important de personnes a eu des répercussions sur les niveaux de consommation et d’investissement. Bien qu’elle soit en baisse par rapport à la frénésie de dépenses suivant la pandémie, la croissance de la vente au détail en 2023 (+1,3 %) devrait figurer parmi les plus élevées au Canada, et ce, en grande partie grâce à la grande migration d’entrée.
Toutefois, la résilience relative des dépenses des ménages n’isolera pas complètement l’économie du Nouveau-Brunswick du repli mondial. En effet, la hausse des taux d’intérêt et la flambée de l’inflation ont déjà commencé à entraver les exportations et l’activité manufacturière de la province. Après avoir plafonné en mai, les ventes manufacturières ont chuté de 15 % en septembre et les exportations ont baissé de 41 % pendant la même période. De plus, l’investissement dans le secteur non résidentiel ne s’est pas encore totalement normalisé après la crise de 2020, même si le revirement réalisé dans la principale raffinerie de pétrole de la province devrait stimuler les dépenses à court terme.
En raison du marché du travail le plus tendu dans l’histoire, la province subit une forte pression à la hausse sur les salaires, qui grimpent au rythme le plus rapide au Canada. L’empressement à reconstruire les infrastructures et les immeubles dans la foulée de l’ouragan Fiona ne contribue pas non plus à réduire les coûts des matériaux et de la main-d’œuvre. Cela dit, le ralentissement général de l’activité économique devrait freiner le marché du travail, soutenant ainsi une augmentation du taux de chômage, qui passera de 7,3 % en 2022 à 8,1 % en 2023, et une modération significative de l’inflation.
Nouvelle-Écosse – L’essor de la population offre une bonne protection
La Nouvelle-Écosse ne sera pas à l’abri de l’affaiblissement global de l’économie, mais l’expansion rapide de sa population devrait la protéger contre une récession. La flambée de l’inflation et la forte hausse des taux d’intérêt devraient considérablement freiner les dépenses de consommation au cours de l’année à venir, entraînant ainsi un ralentissement de la croissance de l’économie, qui devrait passer de 2 % en 2022 à 1,2 % en 2023. Malgré tout, la croissance de la province serait supérieure à la moyenne nationale de 0,4 %.
Le secteur des services de la Nouvelle-Écosse s’est rétabli du ralentissement dû à la pandémie, mais les industries produisant des biens devront peut-être attendre encore un peu avant de réaliser un retour complet. Les récessions prévues en Amérique du Nord et en Europe en 2023 risquent de nuire à la reprise, car elles pèsent sur la demande d’exportations de la province.
Bien connue pour son coût de la vie abordable, la Nouvelle-Écosse a récemment attiré un nombre record de migrants internationaux et interprovinciaux. L’arrivée de migrants plus jeunes (la plupart en âge actif) contribue à rajeunir la population : l’âge médian passe de 45,1 ans en 2018 à 44,2 ans en 2022. Elle permet également de répondre aux demandes des employeurs. Nous prévoyons que la croissance de l’emploi demeurera positive en 2023 (+0,3 %), légèrement au-dessus de la moyenne canadienne (-0,1 %).
Cet afflux important de personnes stimule plusieurs secteurs économiques, en particulier celui du logement. Bien que le marché provincial du logement soit soumis en ce moment à une correction cyclique qui se poursuivra probablement en 2023, nous croyons que les activités liées à la construction résidentielle continueront de se multiplier l’an prochain. Nous estimons que les mises en chantier passeront de 6 600 unités en 2022 à 7 300 unités en 2023. L’inflation ayant probablement plafonné (7,4 % en 2022), les constructeurs devraient profiter du recul des coûts des matériaux pour bâtir davantage de résidences.
La croissance démographique rapide pourrait atténuer les pressions sur les dépenses des ménages et sur les investissements découlant de la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt. La situation sera facilitée par l’endettement moindre des Néo-Écossais par rapport à celui de nombreux autres Canadiens. Par conséquent, ils seront moins sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt.
Île-du-Prince-Édouard – Les nouveaux arrivants contribuent à consolider les assises de l’économie
À notre avis, l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard continuera de croître en 2023. Bien que le taux de croissance prévu de 1,3 % soit un peu plus lent que celui de 2,3 % anticipé pour 2022, il dépasserait largement la moyenne nationale (+0,4 %). Le faible niveau d’endettement des ménages et l’essor de la population sont favorables aux dépenses des ménages et aux investissements résidentiels dans la province.
L’économie a surmonté des difficultés considérables en 2022. Un champignon rare s’attaquant à la pomme de terre a nui à ses exportations au début de l’année. De plus, l’ouragan Fiona a gravement perturbé les activités (et laissé la destruction dans son sillage) en septembre. Malgré tout, l’économie provinciale a gardé le cap. La levée des restrictions, la réouverture de la frontière et une explosion démographique historique ont permis une poursuite de l’expansion, bien qu’à une fraction du rythme (insoutenable) enregistré en 2021 (+7,9 %).
L’île devrait connaître la croissance démographique la plus rapide de toutes les provinces, pour une sixième année consécutive. La province accueillant plus de migrants que jamais, la population grandissante a un effet sensible sur la consommation des ménages et les investissements résidentiels. Les ventes au détail ont bondi de plus de 20 % par rapport à leurs niveaux d’avant la pandémie et la revente de maisons s’est maintenue à des sommets historiques pendant la pandémie, jusqu’à ce que le marché plonge au printemps de 2022. Nous nous attendons à ce que l’immigration reste solide en 2023, alimentant la construction résidentielle dans la province. De plus, nous prévoyons que les mises en chantier passeront de 1 100 unités en 2022 à 1 400 unités en 2023.
Le marché du travail de la province est en pleine effervescence. L’emploi s’est accru de 6,8 % au cours des 11 premiers mois de 2022, ce qui est supérieur de 3 points de pourcentage à la moyenne nationale. Toutefois, comme des projets ponctuels de reconstruction d’infrastructures sont sur le point de prendre fin et que l’économie s’essouffle, nous prévoyons que la croissance de l’emploi ralentira considérablement en 2023 (à +0,4 %).
Terre-Neuve-et-Labrador – À contre-courant du ralentissement tendanciel
À la traîne des autres provinces, Terre-Neuve-et-Labrador devrait accélérer sa reprise consécutive à la pandémie en 2023. Nous nous attendons à ce que la production pétrolière et minière augmente et à ce qu’une forte expansion démographique stimule la demande de biens et de services dans la province. Ces facteurs contribueront à une accélération de la croissance provinciale à 1,8 % en 2023, à contre-courant de la tendance générale à la baisse.
À la traîne des autres provinces, Terre-Neuve-et-Labrador devrait accélérer sa reprise consécutive à la pandémie en 2023. Nous nous attendons à ce que la production pétrolière et minière augmente et à ce qu’une forte expansion démographique stimule la demande de biens et de services dans la province. Ces facteurs contribueront à une accélération de la croissance provinciale à 1,8 % en 2023, à contre-courant de la tendance générale à la baisse.
Bien que la plupart des secteurs de l’économie aient gagné du terrain en 2022, grâce à la levée des restrictions résultant de la pandémie et à l’effervescence des marchés mondiaux des marchandises, les retards dans le rétablissement de la capacité de production pétrolière ont freiné la croissance. Celle-ci devrait s’établir à 0,9 %, selon nous, en deçà de celle des autres provinces. Ce résultat serait quand même mieux que la progression de 0,6 % enregistrée en 2021, année où l’effondrement des prix du pétrole imputable à la pandémie avait durement touché la principale marchandise d’exportation de la province et où les investissements des entreprises avaient chuté.
Les perspectives du secteur des ressources de Terre-Neuve-et-Labrador se sont améliorées depuis que la guerre en Ukraine a entraîné une flambée des prix des produits de base à l’échelle mondiale (du moins temporairement). Toutefois, les travaux d’entretien et l’instabilité des flux d’investissements ont jusqu’à présent empêché les producteurs de la province de tirer pleinement parti des occasions. Nous pensons que la situation changera en 2023, lorsque le projet pétrolier West White Rose reprendra sa production et que les investissements dans le secteur minier augmenteront.
Tableaux détaillés des prévisions:
Canada, États-Unis et marchés financiers
Économies provinciales
À propos des auteurs
À titre d’économiste en chef, Craig Wright dirige une équipe d’économistes qui mènent des recherches sur l’économie, les titres à revenu fixe et les devises pour le compte de clients de RBC. M. Wright collabore régulièrement à un certain nombre de publications de RBC, et il est l’un des principaux animateurs des séances d’information que les Services économiques organisent de façon périodique pour communiquer les résultats d’analyses économiques aux clients et aux médias.
Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales
Nathan Janzen est économiste en chef adjoint. Il dirige le groupe d’analyse macroéconomique. Il s’intéresse principalement à la situation macroéconomique du Canada et des États-Unis, qu’il analyse et pour laquelle il formule des prévisions.
Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les analyses macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, à l’emploi et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.
Carrie Freestone est économiste à RBC. Elle produit des analyses sur le marché du travail et est membre du groupe d’Analyse régionale, où elle contribue à l’établissement des perspectives macroéconomiques de la province.
Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales.
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