Points saillants :
- Il est encore trop tôt pour connaître précisément l’incidence de l’élection américaine sur l’économie. Le déficit budgétaire colossal et persistant devrait se traduire par une croissance plus forte aux États-Unis en 2025. La croissance canadienne est revue à la baisse en raison de nouvelles réductions des cibles d’immigration plus radicales que prévu.
- Nous continuons de penser que la Banque du Canada réduira les taux d’intérêt davantage que la Réserve fédérale américaine, car l’écart entre les deux conjonctures économiques se maintient (le Canada tirant de l’arrière par rapport aux États-Unis).
- Au Royaume-Uni, le budget d’automne a été révisé afin de prendre en compte une politique budgétaire plus souple. Nous pensons que la Banque d’Angleterre agira un peu plus lentement et qu’elle terminera son cycle avec des taux plus élevés. Les pressions désinflationnistes dans la zone euro permettront à la Banque centrale européenne de poursuivre les baisses de taux jusqu’à ce que les tensions du marché du travail l’amènent à s’arrêter au-dessus du niveau neutre.
- Enjeu sous la loupe : le déficit budgétaire des États-Unis est considérable relativement à la résilience de l’économie. Les dépenses publiques continueront d’alimenter la croissance, mais peut-être au prix d’une inflation accrue, de taux d’intérêt plus élevés et d’une baisse de l’épargne pour l’avenir.
Changements dans les prévisions : la combinaison entre la vigueur des États-Unis et la faiblesse du Canada creuse l’écart de croissance
États-Unis : une nouvelle administration stimulera le PIB et l’inflation
L’incidence des élections du 5 novembre demeure incertaine, car nous sommes dans l’attente des détails sur les propositions politiques et les échéanciers, tandis que le vote définitif à la Chambre des représentants n’est pas encore confirmé. Cela dit, nous prévoyons un ralentissement de l’immigration, des perturbations du commerce international et un déficit budgétaire colossal et persistant qui devrait continuer de se creuser.
Dans l’ensemble, cela se traduira par une croissance légèrement plus forte du produit intérieur brut américain – dans les dernières années du mandat, et particulièrement en 2026 et au-delà. L’augmentation de la stimulation budgétaire (déficits publics importants) dans une économie qui n’en a pas besoin (écart de production au-dessus de zéro) signifie que la Fed devra maintenir les taux d’intérêt élevés pendant plus longtemps afin de garder l’inflation sous contrôle (se reporter aux « Enjeux sous la loupe » ci-dessous).
Dans les données récentes, les tendances de l’inflation se sont révélées un peu plus tenaces que prévu, mais les marchés du travail aux États-Unis suivent généralement la tendance de ralentissement progressif que nous avions anticipée. En octobre, la croissance des emplois salariés a été faible, largement faussée par les ouragans et la grève dans le secteur manufacturier. Toutefois, le taux de chômage, qui est moins touché par les perturbations, continue de grimper progressivement. Nous pensons toujours que la Fed réduira ses taux de 25 points de base en décembre.
Canada : le résultat de l’élection aux États-Unis et les nouveaux plafonds d’immigration ralentissent la croissance du PIB
Deux changements importants ont été apportés à nos prévisions pour le Canada ce mois-ci.
Premièrement, l’économie canadienne est plus susceptible de souffrir des politiques mises en place aux États-Unis. Nous ne pensons pas que le Canada soit une cible directe des limitations du commerce international envisagées par la prochaine administration américaine, mais l’augmentation des droits de douane américains sur les importations en provenance de la Chine, du Mexique et d’autres parties du monde pourrait avoir des retombées négatives sur le Canada. De plus, les réductions de l’impôt américain sur les sociétés réduiraient la compétitivité du Canada.
Deuxièmement, la croissance économique pâtira des compressions draconiennes des cibles d’immigration instaurées par le gouvernement fédéral, lesquelles freineront considérablement la croissance démographique au cours des trois prochaines années. Ces mesures pourraient contribuer à pallier la pénurie de logements au Canada, mais elles ralentiront la croissance du PIB, accéléreront le vieillissement de la population et creuseront le déficit de financement du gouvernement dans les services publics comme les soins de santé.
Dans l’ensemble, l’économie canadienne reste à la traîne des autres économies avancées. Le taux de chômage a étonnamment reculé au cours des deux derniers mois, mais il est encore en hausse de 0,8 point de pourcentage par rapport à l’année précédente et il est probable qu’il progressera, car la demande de nouveaux employés (offres d’emploi) continue de chuter.
Perspectives de taux : élargissement des écarts de politique entre la Banque du Canada et la Fed en raison de la divergence des croissances économiques
Nous continuons de prévoir un creusement de l’écart entre les taux directeurs de la Banque du Canada et ceux de la Fed, en raison d’une divergence sans précédent dans la croissance économique par habitant.
Le résultat de l’élection aux États-Unis augmente les chances que l’écart s’élargisse à court terme, car la Fed doit répondre à la résilience de l’économie et à l’incidence inflationniste de l’important déficit budgétaire du gouvernement en maintenant ses taux d’intérêt plus élevés que ce que l’on pourrait attendre en d’autres circonstances. En même temps, la Banque du Canada sera contrainte de réagir en abaissant ses taux d’intérêt, face à une économie canadienne beaucoup plus maussade.
Nous maintenons nos prévisions selon lesquelles la Banque du Canada réduira le taux du financement à un jour à 2 % d’ici la fin de 2025, tandis que la Fed fera une pause plus tôt en conservant les taux des fonds fédéraux dans une fourchette de 4 % à 4,25 %.
Les dépenses budgétaires devraient ralentir les baisses de taux de la Banque d’Angleterre, tandis que les perspectives de la BCE demeurent inchangées
Au Royaume-Uni, le budget d’automne a fait état de dépenses additionnelles et d’un déficit plus élevé qui s’établit en moyenne à 1,2 % du PIB par année entre 2025-2026 et 2028-2029. Selon les estimations préliminaires de l’Office of Budget Responsibility, l’incidence s’élève à plus de 0,5 % de croissance du PIB chaque année pour la même période financière, ce qui augmente l’inflation tout en limitant le rythme des baisses de taux d’intérêt de la Banque d’Angleterre au cours de la prochaine année.
Les décideurs politiques ont clairement indiqué que les taux d’intérêt devraient encore fléchir, mais à un rythme graduel, après la baisse du taux de l’escompte de 25 pb en novembre. Nous prévoyons que la Banque d’Angleterre maintiendra son rythme calme d’une réduction par trimestre jusqu’à ce qu’elle parvienne à un taux final de 4 % (plus élevé) au T3 2025.
Les données du PIB de la zone euro ont constitué une bonne surprise au T3. Néanmoins, cela ne devrait pas empêcher d’autres baisses de taux de la Banque centrale européenne, car l’inflation a également continué de ralentir. Cette nouvelle devrait toutefois apaiser les inquiétudes entourant l’état de l’économie, et elle laisse entendre que la baisse des taux directeurs restera progressive et limitée.
Nous prévoyons que la BCE continuera de réduire ses taux de 25 pb par réunion jusqu’à atteindre un taux de dépôt de 2,25 % d’ici la fin du T2 2025, en gardant à l’esprit que la plus grande économie d’Europe, l’Allemagne, a un important secteur manufacturier qui est plus vulnérable aux tensions inflationnistes découlant des perturbations du commerce.
Orientation des banques centrales:
Banque centrale
Taux directeur actuel(Dernier changement)
Prochain changement
BdC
3,75 %
-50 pb en oct. 2024
-50 pb
Déc. 2024
Fed
4,50 % à 4,75 %
-25 pb en nov. 2024
-25 pb
Déc. 2024
BdA
4,75 %
-25 pb en août 2024/span>
0 pb
Déc. 2024
BCE
3,25 %
-25 pb en oct. 2024
-25 pb
Déc. 2024
BRA
4,35 %
0 pb en nov. 2024
0 pb
Déc. 2024
Enjeux sous la loupe :
La hausse des dépenses publiques américaine est expansionniste, inflationniste et conséquente
Le déficit budgétaire du gouvernement américain est inhabituellement important à ce stade du cycle économique. Ce déficit maintient l’inflation à un plus haut que ce que l’on pourrait attendre, et empêche la Fed de réduire davantage ses taux d’intérêt.
Un déficit budgétaire conséquent est favorable à l’économie à court terme en augmentant les dépenses directes et en encourageant les dépenses des ménages et des entreprises par le biais de transferts ou de dégrèvements fiscaux. Cependant, en quelque sorte, cette croissance est empruntée au futur, car à un moment donné la facture devra être payée à l’aide d’impôts plus élevés ou de dépenses plus basses.
Ce type de relance économique est logique lorsque l’économie est faible et qu’un soutien est nécessaire. Toutefois, l’économie américaine est toujours en surchauffe tandis que la Fed s’efforce de reprendre les rênes de l’inflation.
Dans ce contexte, il est inhabituel de voir des dépenses publiques aussi massives. Ces dépenses empêchent la Fed de réduire les taux autant qu’elle le souhaiterait, car elle doit lutter contre l’incidence inflationniste du déficit. C’est la principale raison pour laquelle nous prévoyons que la Fed ne parviendra pas à réduire le taux cible des fonds fédéraux en deçà de 4 % au cours de l’année à venir.
Le déficit budgétaire des États-Unis est gigantesque, ce qui est inhabituel à ce stade du cycle économique
À près de 2 billions de dollars américains, soit 6,4 % du PIB de l’exercice 2024, le déficit public américain n’a jamais été aussi vaste au cours des années précédentes, à l’exception des périodes de récession économique ou de conflit armé majeur.
La seule autre économie avancée suivie par le Fonds monétaire international ayant un ratio déficit-PIB plus élevé que celui des États-Unis en 2024 est Israël, où les dépenses sont élevées en raison des conflits en cours.
Au cours des trois prochaines années, le FMI s’attend à ce que le gouvernement des États-Unis reste en tête du peloton des déficits, bien que le pays compte parmi les économies les plus solides. Sur une base ajustée en fonction du cycle (qui tient compte du fait que les déficits devraient être plus faibles lorsque l’économie est forte), le déficit américain est plus de deux fois supérieur à celui de la zone euro et du Royaume-Uni, et quatre fois supérieur à celui du Canada.
Il se creusera encore plus sous la nouvelle administration américaine
Le fait d’accumuler un important déficit lorsque l’économie n’en a pas besoin peut accroître les tensions inflationnistes davantage que la croissance du PIB. C’est une situation contradictoire. Les dépenses budgétaires stimulent la demande, mais non la capacité d’approvisionnement de l’économie. Par conséquent, le PIB ne s’accroît pas vraiment, mais les prix augmentent.
L’impact de la réélection de Trump sur les déficits est encore flou. Les promesses de la campagne électorale ne sont pas vraiment significatives, car en général les politiques mises en œuvre s’avèrent différentes. Mais du point de vue de l’orientation politique, il semble que le ratissage du parti républicain se soit traduit par une prise de contrôle des trois branches du gouvernement, ce qui implique un risque d’augmentation du déficit budgétaire.
Le déficit des États-Unis était déjà sur la voie de l’augmentation, indépendamment du candidat élu à la Maison-Blanche. Une part énorme et croissante du déficit provient des dépenses obligatoires de sécurité sociale et des programmes Medicare et Medicaid, à mesure que la population vieillit. Nous avons déjà observé que la valeur actualisée des dettes non provisionnées attribuables à ces programmes obligatoires s’élève à 78 billions de dollars américains (en dollars courants), soit près de trois fois la taille du PIB.
Du fait que les dépenses obligatoires continuent de grimper, elles absorberont une part croissante des recettes du gouvernement, voire leur totalité d’ici le milieu des années 2030, selon les projections du CBO. Cela signifie que les dépenses dans d’autres domaines importants comme la défense, l’application de la loi, l’infrastructure et l’éducation devront être financées par des emprunts plus importants.
Les déficits importants donnent lieu à des versements d’intérêts qui s’ajoutent aux déficits
La question est de savoir si dans le futur, le paiement de la facture découlant des déficits élevés portera atteinte à la croissance économique. En dépit des inquiétudes grandissantes entourant le manque de restrictions budgétaires, les probabilités que le gouvernement américain fasse défaut sur sa dette sont extrêmement faibles.
Les récentes adjudications d’obligations du Trésor ont été accueillies par une robuste demande. Pour l’instant, les investisseurs semblent heureux de financer les dépenses du gouvernement américain à un rendement supérieur.
Cependant, les paiements exigibles sur la dette croissante voient déjà leur coût augmenter, car la résilience de la croissance économique et l’inflation persistante limitent la capacité de la Fed à abaisser ses taux d’intérêt. Les versements d’intérêts sur la dette américaine ont totalisé plus de 1 billion de dollars américains au cours des 12 derniers mois. L’année dernière, pour la première fois de son histoire, le gouvernement a dû payer des intérêts supérieurs à ses dépenses dans le secteur de la défense.
D’ici 2034, le CBO prévoit que 60 % du déficit (soit près de 4 % du PIB américain) sera attribuable aux dépenses d’intérêts nettes – sans compter d’éventuelles augmentations du déficit par les gouvernements futurs.
Les déficits d’aujourd’hui signifient moins de flexibilité plus tard en cas de brusque ralentissement de l’économie
Même les états financiers annuels du Trésor américain déclarent explicitement que le déficit budgétaire n’est pas « soutenable ». D’après le rapport financier de 2023, le ratio dette-PIB est en passe d’atteindre 100 % en 2024, 200 % en 2047 et 531 % en 2098.
L’économie des États-Unis reste la plus solide au monde, et l’assiette fiscale relativement basse du pays signifie qu’il est possible d’accroître les recettes en augmentant les impôts. Cela dit, sur le plan politique, cette possibilité semble écartée à court terme. Accroître les recettes fiscales (c.-à-d. augmenter les impôts) deviendrait beaucoup plus difficile si l’économie entrait en récession, car c’est généralement le moment où les déficits budgétaires élevés deviennent nécessaires.
Bien sûr, des taux d’intérêt plus élevés dans un contexte de dette élevée signifient également davantage de marge de manœuvre, en matière de politique monétaire, pour stimuler l’économie à l’aide de réductions de taux d’intérêt. Cela dit, cette solution a ses limites. En général, les récessions nécessitent une réponse ciblée pour répondre à des défis économiques spécifiques, à des impacts disparates et à d’autres problèmes impossibles à résoudre avec un outil aussi direct que les changements de taux d’intérêt.
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