Le Canada a récemment imposé des tarifs douaniers sur les véhicules électriques, l’acier et l’aluminium chinois afin de protéger ses industries nationales qui fabriquent ou fabriqueront ces produits. Cette décision aura toutefois des conséquences négatives sur certains secteurs d’activité et utilisateurs canadiens.
- Les tarifs douaniers devraient entraîner à court terme une hausse des prix à la consommation des véhicules électriques au Canada.
- Les taxes sur l’acier et l’aluminium chinois pourraient augmenter les coûts pour les industries nationales qui utilisent ces produits.
- Mais surtout, la décision du Canada accroît le risque de représailles de la part de Beijing, ce qui pourrait mettre en péril les exportations de marchandises du pays, comme l’a montré la récente enquête sur les exportations canadiennes de canola.
Le 26 août, le gouvernement canadien a annoncé qu’il imposerait d’importants tarifs douaniers sur les véhicules électriques (VE) et les produits en acier et en aluminium chinois. Le gouvernement fédéral a justifié cette mesure par la nécessité de protéger les emplois et les investissements dans le pays face à une concurrence jugée déloyale. Cette décision fait suite à des mesures similaires prises par les États-Unis et l’Union européenne, et reflète un durcissement des relations commerciales avec la Chine dans un contexte de montée des frictions géopolitiques et du sentiment protectionniste. Les nouveaux tarifs, 100 % pour les VE et 25 % pour les produits en acier et en aluminium, devraient entrer en vigueur le 1er et le 15 octobre, respectivement.
Les ventes de VE fabriqués en Chine étaient jusqu’à maintenant en hausse au Canada
Bien que les VE de marque chinoise ne soient pas encore commercialisés au Canada, la part des véhicules chinois importés a bondi l’an dernier lorsque la société américaine Tesla a commencé à approvisionner le marché canadien en voitures fabriquées dans son usine de Shanghai. En 2023, le Canada a importé pour 2,3 milliards de dollars de VE en provenance de Chine, soit 13,3 % du total des importations, contre seulement 116 millions de dollars en 2022. Les VE de marque chinoise sont beaucoup moins dispendieux que ceux d’autres marques vendues au Canada, certains modèles coûtant près d’un tiers du prix des véhicules les moins chers sur le marché canadien. Les lourds tarifs douaniers (100 %) sur les VE chinois importés constitueront un obstacle à l’offre d’options plus abordables sur le marché canadien des VE, qui a connu une croissance plus lente dernièrement en raison des prix élevés.
Le gouvernement fédéral lance également une consultation de 30 jours sur la menace que font peser les importations chinoises sur d’autres secteurs jugés « essentiels à la prospérité future du Canada », notamment en ce qui concerne les batteries et leurs composants, les semi-conducteurs, les produits photovoltaïques et les minéraux critiques. Cela pourrait conduire à l’adoption de nouveaux tarifs après la période de consultation.
Le gouvernement du Canada, de concert avec l’Ontario et le Québec, subventionne massivement des investissements – à hauteur de 52 milliards de dollars – pour mettre en place une chaîne logistique canadienne de VE. Les tarifs douaniers, annoncés ou envisagés, visent clairement à protéger ces investissements.
Mais alors que la plupart des capacités de production de véhicules électriques au Canada ne sont pas encore opérationnelles, l’imposition de nouveaux tarifs sur les chaînes logistiques à ce stade entraînerait à court terme une plus grande pression sur les coûts, compte tenu de la forte présence de la Chine dans la chaîne logistique mondiale de VE. Cela remettrait également en cause l’un des objectifs climatiques du pays, qui est de porter la part des VE dans les ventes de véhicules neufs à 60 % d’ici 2030, et à 100 % d’ici 2035.
Les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium chinois pourraient mettre à mal les industries nationales
Le Canada se classe parmi les cinq premiers producteurs d’aluminium au monde et parmi les 20 premiers producteurs d’acier. Le pays est relativement autosuffisant en ce qui a trait à l’aluminium, mais il dépend davantage des importations d’acier pour répondre à la demande intérieure. La proposition de tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et l’aluminium en provenance de Chine, même si elle ne vise qu’une petite partie des importations totales de biens du Canada (environ 0,3 %), pourrait entraîner une augmentation des coûts pour les industries canadiennes qui ne sont pas en mesure de trouver d’autres sources d’approvisionnement. À noter que depuis 2020, plus d’un cinquième des importations d’aluminium du Canada proviennent de Chine, et en 2023 l’acier chinois représentait 8,1 % du total des importations d’acier.
En conclusion : Bien que les importations chinoises touchées par les nouveaux tarifs douaniers représentent une part relativement faible, mais croissante, des importations canadiennes, en particulier pour les VE et l’aluminium, le gouvernement canadien prend des mesures préventives pour protéger les producteurs nationaux stratégiques contre des dommages potentiels, signalant ainsi son alignement sur les États-Unis et d’autres pays en adoptant une position plus ferme à l’égard de la Chine. Même si l’on s’attend initialement à une faible incidence économique directe, les tarifs douaniers entraîneront probablement une augmentation à court terme des prix à la consommation des VE (ou un ralentissement de la baisse des prix), ce qui pourrait freiner leur adoption au pays. Les tarifs sur l’acier et l’aluminium chinois pourraient également mener à une hausse des coûts pour certaines entreprises tributaires d’approvisionnements chinois. De plus, une généralisation des représailles et du conflit commercial pourrait engendrer des répercussions plus importantes. La Chine vient d’ouvrir une enquête sur les produits canadiens à base de canola, ainsi que sur les produits agricoles de l’Union européenne en réponse à l’imposition de tarifs sur les VE par le bloc. Il faut également garder à l’esprit que l’adoption de telles mesures, surtout en dehors de l’Organisation mondiale du commerce, pourrait provoquer des conflits commerciaux plus profonds.
Salim Zanzana est économiste pour RBC. Il se concentre sur les questions macroéconomiques émergentes, allant des tendances du marché du travail aux changements dans la croissance structurelle à long terme du Canada et d’autres économies mondiales.
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