À peine une semaine après avoir levé sa menace d’un tarif douanier général de 25 % sur toutes les importations en provenance du Canada, l’Administration Trump a annoncé d’importants tarifs douaniers de 25 % à l’égard des importations américaines de produits d’acier et d’aluminium provenant de partenaires commerciaux clés, parmi lesquels le Canada, avec une entrée vigueur au 12 mars 1.

Contrairement aux tarifs généraux qui menaçaient toutes les importations, les tarifs douaniers américains sur les produits d’acier et d’aluminium ont déjà été appliqués dans un passé récent. En effet, cette dernière menace tarifaire est une extension directe de l’article 232 de la loi sur l’expansion du commerce (Trade Expansion Act), dont l’objectif était de mettre en place des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium en 2018 et 2019, à la différence que les tarifs sur l’aluminium s’élèvent aujourd’hui à 25 % comparativement à 10 % au cours de la période précédente.

De même qu’en 2018 et 2019, ces tarifs douaniers mettront les producteurs d’acier et d’aluminium à rude épreuve et augmenteront les coûts dans tous les secteurs qui achètent ces produits, en particulier dans l’industrie manufacturière nord-américaine. Toutefois, si nous nous fions aux hausses tarifaires de 2018 et 2019, une grande partie du coût sera supportée par les acheteurs américains de produits tarifés, ce qui limitera l’incidence négative sur les partenaires commerciaux des États-Unis comme le Canada.

Le sentiment général est que l’incertitude à l’égard du commerce international pourrait persister. Comme nous en avons discuté ici, la politique commerciale des États-Unis demeurera probablement une grande source d’incertitude pour le secteur industriel, avec des répercussions négatives sur les investissements des entreprises au Canada et sur la croissance de la productivité à moyen terme. Malgré l’ambiguïté entourant les relations commerciales futures, voici ce que nous pensons de l’incidence des tarifs américains sur l’acier et l’aluminium pour le Canada.

Le Canada est très sensible aux tarifs américains sur l’acier et l’aluminium…

Sur la base de la liste de produits visés par les tarifs américains en 2018-2019, les États-Unis représentent plus de 90 % des exportations canadiennes d’acier et d’aluminium. Selon nos calculs, le renouvellement des tarifs de 2018-2019 toucherait environ 24 milliards de dollars d’exportations canadiennes.

Néanmoins, cette sensibilité est présente des deux côtés de la frontière. Le Canada est le plus grand marché d’importation des États-Unis, avec une valeur de 7,5 milliards de dollars américains pour l’acier et de 9,4 milliards de dollars américains pour les produits d’aluminium en 2024. Le Canada représente environ un cinquième des importations américaines d’acier et 50 % des importations d’aluminium.

De plus, le commerce de l’acier entre le Canada et les États-Unis est relativement équilibré. Le Canada est le deuxième plus grand marché d’exportation pour ce qui est des produits d’acier américains, mais il est un plus grand exportateur net d’aluminium vers les États-Unis. La balance commerciale totale du Canada pour les produits d’acier et d’aluminium (visés par des tarifs) s’est élevée à 14 milliards de dollars en 2024, dont 11 milliards de dollars liés au commerce de l’aluminium.

… mais les secteurs visés représentent une petite part du commerce international et du PIB

Les tarifs dont la mise en œuvre est envisagée sont importants et auront des répercussions sur les secteurs canadiens de l’acier et de l’aluminium, mais comme nous l’avons indiqué dans notre plan de match sur les tarifs, la taille doit être prise en compte lorsqu’il s’agit d’évaluer l’incidence économique des augmentations tarifaires à une échelle plus globale. L’acier et l’aluminium ne représentent à eux deux que 0,5 % du produit intérieur brut et des emplois canadiens, et environ 3 % des exportations canadiennes. Les provinces les plus sensibles sont le Québec et l’Ontario, où ces secteurs représentent respectivement 1 % et 0,6 % du PIB.

Les producteurs américains ont des options limitées

En ce qui concerne les secteurs directement touchés, la question suivante sur l’incidence des tarifs est celle de la capacité des importateurs à trouver des marchés d’importation de remplacement. La querelle des tarifs sur l’acier et l’aluminium en 2018-2019 a démontré qu’il était très difficile de trouver des fournisseurs ou des produits de remplacement, ce qui signifie que les importateurs américains ont peu d’autre choix que d’assumer l’augmentation des coûts.

La plupart des autres fournisseurs d’acier seront également assujettis à des tarifs douaniers plus élevés, et il est extrêmement compliqué pour les producteurs américains d’accroître leur capacité de production en peu de temps. Qui plus est, les produits d’acier et d’aluminium peuvent être hautement spécialisés et difficiles à remplacer.

Les importations américaines de produits d’acier visés par des tarifs de 25 % ont en fait augmenté en 2018, et la part en provenance de l’Europe, du Canada et du Mexique a légèrement augmenté. Au Canada, l’emploi dans les secteurs de l’acier et de l’aluminium s’est accru de près de 4 % en 2018 puis de 6 % en 2019. De fait, la capacité de production d’acier et d’aluminium des États-Unis a diminué au cours de la période où les tarifs douaniers étaient appliqués aux principaux marchés d’importation américains.

Les mesures de rétorsion pourraient avoir un effet haussier, mais gérable, sur les prix canadiens

Lors de la précédente querelle sur le commerce de l’acier et de l’aluminium, le Canada a répondu « œil pour œil, dent pour dent » aux tarifs douaniers américains en imposant des tarifs sur près de 17 milliards de dollars annuels d’importations canadiennes en provenance des États-Unis.

Aujourd’hui, une réponse similaire se traduirait par des tarifs punitifs canadiens d’environ 24 milliards de dollars à l’égard des importations. Cela ferait monter les prix pour les acheteurs canadiens, mais seulement une petite part (3 %) des importations canadiennes totales serait concernée, car la plus grande partie de la consommation finale des Canadiens (environ 80 %) repose sur la production intérieure plutôt que sur la production étrangère à valeur ajoutée.

Les prix augmenteraient, en particulier pour les produits intermédiaires utilisés dans les chaînes industrielles, mais pas au point d’avoir un effet déstabilisateur significatif sur l’économie.

Un effet plus général des tarifs douaniers ciblés est l’incertitude grandissante qu’ils génèrent sur le front des investissements

En 2018-2019, nous avons fait valoir que les augmentations tarifaires ciblées, comme celles qui sont imposées aujourd’hui aux produits d’acier et d’aluminium, ont pour effet général d’augmenter l’incertitude et de peser sur les investissements des entreprises. Cela reste vrai.

Cependant, les investissements canadiens sont maintenant dans une situation bien pire qu’à l’époque, après avoir souffert d’une pandémie mondiale puis d’une conjoncture économique en berne au cours des deux dernières années. La faiblesse des investissements des entreprises pourrait faire persister le retard de la productivité nationale qui sévit déjà depuis un certain temps, et en fin de compte se traduire par des salaires plus bas au Canada que dans d’autres régions du monde.


Note de bas de page

  1. 1. Dans le cadre de l’accord commercial AEUMC, une entente canado-américaine a été conclue lors du premier mandat de Trump, octroyant au Canada un délai de 60 jours avant toute application des tarifs visés par l’article 232, mais nous ne savons pas si ce délai de grâce s’applique toujours aujourd’hui.

Nathan Janzen est économiste en chef adjoint. Il dirige le groupe d’analyse macroéconomique. Il s’intéresse principalement à la situation macroéconomique du Canada et des États-Unis, qu’il analyse et pour laquelle il formule des prévisions.

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