Lorsque Tahir Adatia, étudiant à l'Université de la Colombie-Britannique, a postulé pour un stage d'été dans une banque d'investissement, il était le seul à avoir opté pour une majeure en philosophie contrairement aux nombreux autres candidats qui, eux, avaient poursuivi des études en commerce.
« D’emblée, j’ai dit aux responsables de l’embauche que les aptitudes techniques n’étaient pas mon point fort, a-t-il déclaré. J’ai quelque chose de différent à offrir. »
Finalement, il a décroché l’emploi. À l’ère des grandes perturbations, la différence peut être un atout.
Pour produire notre nouveau rapport, intitulé Combler les lacunes : Ce que les Canadiens nous ont dit au sujet de la révolution des aptitudes, qui fait suite à Humains recherchés, notre étude sur le monde du travail de l’avenir, nous nous sommes entretenus, sur une période d’un an, avec des étudiants, des enseignants, des employeurs et des décideurs de diverses régions du pays.
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De ces entretiens nous avons tiré quelques conclusions sur la révolution des aptitudes qui est en cours au Canada — ainsi que sur les défis qui en découlent.
L’un de ces défis est le fait que les programmes de lettres et de sciences humaines (ou d’« arts libéraux ») sont en déclin — même si la demande pour les aptitudes qu’ils permettent de développer est en hausse. Les employeurs nous ont dit qu’ils recherchent de plus en plus des candidats possédant les aptitudes non techniques développées dans le cadre des programmes de lettres et de sciences humaines, comme la pensée critique et la communication. Or, les inscriptions à ces programmes sont en baisse de plus de 10 %.
Dans notre société obsédée par la technologie, les opinions à l’égard des sciences humaines sont tellement défavorables que les jeunes délaissent ce domaine, selon Patrick Deane, président de l’Université McMaster.
« Les parents, les gouvernements et la société en général sous-estiment les compétences essentielles développées dans le domaine des sciences humaines ; c’est un problème systémique et culturel qui dure depuis longtemps », a déclaré M. Deane.
Entre 2011 et 2017, les inscriptions aux programmes de sciences humaines ont chuté de 17,5 %. Au cours de la même période, on a enregistré une hausse de 45 % des inscriptions aux programmes de mathématiques, d’informatique et de sciences de l’information. Ces champs d’études, en effet, sont considérés comme une voie plus directe vers un emploi stable après l’obtention d’un diplôme — ce à quoi aspirent les jeunes qui ont grandi dans l’ombre de la récession de 2008.
Les étudiants des programmes de sciences humaines s’inquiètent de la place qu’ils trouveront dans le monde du travail de l’avenir.
« Ils craignent tous de ne pas trouver d’emploi, a ajouté Tahir Adatia. On peut avoir une passion, mais elle ne mènera pas à un emploi ; c’est la perception qu’ont les étudiants en sciences humaines. »
Mais ce n’est pas la réalité. Les étudiants optent de plus en plus pour une formation spécialisée alors que les employeurs sont à la recherche de diplômés polyvalents. Selon LinkedIn, les aptitudes non techniques les plus recherchées par les employeurs sont la créativité, la capacité de persuasion et la collaboration.
« Les aptitudes non techniques sont tout aussi importantes que la numératie », a déclaré Steven Murphy, président et vice-chancelier de l’Institut universitaire de technologie de l’Ontario.
Tahir Adatia, titulaire d’une majeure en philosophie et d’une mineure en commerce, a découvert que son futur employeur était prêt à l’aider à se familiariser avec les aspects techniques de l’emploi. L’équipe était ravie par les aptitudes qu’il possédait déjà, comme la capacité de penser de façon critique, d’argumenter et de raisonner.
La demande actuelle pour les aptitudes développées dans le cadre des programmes de lettres et de sciences humaines est une conséquence de l’automatisation. Plus il y a de tâches automatisées dans les milieux de travail, plus on cherche des gens qui possèdent des aptitudes complémentaires à la technologie.
Les employeurs considèrent les capacités techniques comme une base. Les personnes que l’on embauche, comme Tahir Adatia, sont celles qui possèdent des aptitudes pour la communication et la résolution de problèmes complexes.
À l’aube des années 2020, les nouveaux diplômés au Canada doivent faire preuve de plus de curiosité et de créativité en raison des besoins croissants en matière de formation interdisciplinaire. Les diplômés en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) doivent acquérir des aptitudes non techniques, et les étudiants en sciences humaines, la maîtrise des outils numériques. Les étudiants ne peuvent plus se limiter à une spécialisation.
Le monde du travail évolue, mais les jeunes Canadiens ont le potentiel, l’ambition et la force nécessaires pour y faire leur place.
Renseigner les jeunes diplômés sur les occasions qui s’offrent à eux est un défi pour les employeurs et les orienteurs.
Les résultats de notre étude, Combler les lacunes, démontrent aux diplômés des programmes de lettres et de sciences humaines la valeur de leur diplôme dans le marché du travail.
John Stackhouse est un auteur à succès et l’un des grands spécialistes en matière d’innovation et de perturbations économiques au Canada. À titre de premier vice-président, Bureau du chef de la direction, il dirige la recherche et exerce un leadership avisé concernant les changements économiques, technologiques et sociaux. Auparavant, il a été rédacteur en chef du Globe and Mail et éditeur du cahier « Report on Business. » Il est agrégé supérieur de l’institut C.D. Howe et de la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l’Université de Toronto, en plus de siéger aux conseils d’administration de l’Université Queen’s, de la Fondation Aga Khan Canada et de la Literary Review of Canada. Dans son dernier livre, « Planet Canada: How Our Expats Are Shaping the Future », il aborde la ressource inexploitée que représentent les millions de Canadiens qui ne vivent pas ici, mais qui exercent leur influence depuis l’étranger.
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