• Le Québec s’attend à ce que ses déficits s’aggraveront au cours des six prochaines années, et repousse son projet de retour à l’équilibre à l’exercice 2029 2030.
  • Les dépenses consacrées à la santé, à l’éducation et au service de la dette vont augmenter, notamment du fait des nouveaux accords salariaux et de l’alourdissement de la dette.
  • La baisse des transferts fédéraux pèsera sur les revenus provinciaux.
  • Le ratio de la dette nette au PIB de la province devrait passer de 38,3 % pour l’exercice 2023 2024 à 41 % en 2025 2026, soit un pic depuis la pandémie de 2020, et s’établir à établir à 39,5 % d’ici 2028 2029.

Réduction du solde budgétaire par rapport au plan budgétaire sur six ans

Selon la stratégie de dépenses énoncée dans le Budget de 2024, le Québec ne pourra pas sortir du rouge (déficit record prévu de 11 milliards de dollars), ce qui laisse croire que sa situation budgétaire ne s’est toujours pas rétablie depuis la pandémie. Sur les trois dernières années, deux se sont soldées par des déficits.

La Coalition Avenir Québec (CAQ) a également laissé tomber son objectif précédent de rétablir l’équilibre budgétaire d’ici 2027 2028, repoussant ainsi son plan sur six ans. Le gouvernement s’engage maintenant à inclure dans le budget de l’an prochain des plans de rétablir l’équilibre budgétaire et d’éliminer le déficit au plus tard en 2029 2030. Cet exploit s’apparentera toutefois à un tour de force. Le déficit révisé à la hausse de 11 milliards de dollars (après le dépôt de 2,2 milliards de dollars dans le Fonds des générations et la constitution d’une provision pour éventualités de 1,5 milliard de dollars) en 2024 2025 atteint presque quatre fois la projection du budget de 2023 (3 milliards de dollars).

Le prolongement du creusement important des déficits au-delà de 2024-2025 s’explique aussi par l’augmentation des dépenses pour la santé et l’éducation (y compris la rémunération de la fonction publique) et le ralentissement des revenus publics.

La dette accumulée provenant des déficits accrus marque une rupture par rapport à la série d’améliorations apportées précédemment par la province pour alléger son lourd fardeau de la dette. Le ratio de la dette nette au PIB du Québec devrait maintenant plafonner à un niveau avoisinant 40 % au cours de la période de planification, au lieu de revenir à 35,8 % d’ici 2027 2028, selon les prévisions précédentes. La province s’éloigne ainsi davantage de son objectif de 30 %, qui devait être atteint d’ici 2037 2038.

Les dépenses augmentent avec les accords salariaux conclus dans la fonction publique

Dans le budget de cette année, le Québec a apporté d’importantes révisions à la hausse à son plan de dépenses. La province prévoit augmenter le montant total de ses dépenses de 4,4 % (6,6 milliards de dollars) au cours du prochain exercice, soit un niveau bien supérieur à l’inflation, estimé à 2,5 % dans le budget selon ses hypothèses économiques.

Le budget de 2024 prévoit de fortes augmentations des dépenses pour les soins de santé (4,2 %) et l’éducation (9,3 %) afin d’améliorer les services et de couvrir les importantes hausses salariales de la fonction publique. Le gouvernement a accepté d’augmenter les salaires de la fonction publique de 17 % sur cinq ans, à la suite de négociations controversées sur des contrats de travail.

Les intérêts sur la dette exacerbent aussi les pressions sur le résultat net de la province. Les frais du service de la dette devraient dépasser le seuil des 10 milliards de dollars d’ici 2026 2027 et représenter près de 7 % du montant total des dépenses d’ici la fin de la période de planification financière. Les coûts du service de la dette représenteront la quatrième catégorie de dépenses la plus importante après la santé, les services sociaux, l’éducation et l’enseignement supérieur.

Le budget de 2024 prévoyait peu de nouvelles dépenses en plus des catégories susmentionnées. En fait, plusieurs catégories de dépenses devraient faire l’objet de réductions au cours de l’exercice 2024-2025. Le financement des services de garde éducatifs à l’enfance et l’aide financière aux familles (-2,6 %), l’aide à l’emploi (-2,2 %) et les affaires municipales – y compris les infrastructures et les logements sociaux (-4,9 %) – entraient dans des catégories dont le financement diminuera par rapport à l’exercice 2023 2024.

Potentiel d’économies

Le gouvernement cherche à épargner pour combler le déficit budgétaire de la province. Selon le plan budgétaire, 2,9 milliards de dollars seront récupérés sur cinq ans en ajustant les crédits d’impôts pour les entreprises, notamment en supprimant les crédits d’impôt liés au maintien d’effectifs expérimentés et en harmonisant les taux de base des crédits d’impôt pour les affaires électroniques et les multimédias. Le plan prévoit « optimiser » les dépenses au sein d’entreprises provinciales, ce qui lui permettra d’économiser un milliard de dollars en plus sur cinq ans.

Les investissements dans des programmes visant à accroître la perception des impôts et les efforts continus de lutte contre le tabagisme devraient permettre d’économiser respectivement 400 millions de dollars et 300 millions de dollars sur cinq ans.

La baisse des versements fédéraux pèsera sur les revenus provinciaux

Le budget de 2024 prévoit une modeste augmentation globale de 2,4 % des revenus inscrits au grand livre au cours de l’exercice 2024 2025. Les revenus tirés de l’impôt sur le revenu des particuliers devraient augmenter de 6 % et demeurer la principale source de revenus de la province malgré le ralentissement de la croissance économique et les changements apportés l’an dernier aux deux taux d’imposition les plus bas. Cette hausse, ainsi que l’augmentation constante de presque toutes les autres sources de revenus fiscaux, devraientt soutenir la croissance continue (4,7 %) des revenus autonomes pour le Québec au cours de l’exercice 2024 2025 pour atteindre 121 milliards de dollars.

Toutefois, une baisse prévue des transferts fédéraux (-6,0 %) compensera partiellement cette hausse. La baisse des paiements du Transfert canadien en matière de santé (TCS) et les modifications apportées à la formule de péréquation fédérale diminueront les revenus du Québec provenant des sources fédérales de 2 milliards de dollars pour s’établir à 29 milliards de dollars au cours du prochain exercice.

La croissance des revenus des transferts fédéraux devrait être réduite par rapport aux dix derniers exercices pour le reste du plan financier. Les paiements de transferts fédéraux devraient diminuer avec le poids démographique du Québec au Canada dans un contexte de restrictions provinciales en matière d’immigration, étant donné que la plupart des transferts sont distribués par habitant.

Le Québec rompt avec sa longue tradition d’améliorations budgétaires

Le budget de 2024 déçoit au sens où il fait table rase d’une série d’améliorations budgétaires apportées au cours des dix dernières années. Les plans visant à repousser l’équilibre budgétaire éloignent également le gouvernement de son objectif d’atteindre un ratio de la dette nette au PIB de 30 % d’ici 2037 2038. Le budget prévoit que le ratio de la dette nette au PIB de la province augmentera au cours des deux prochaines années pour s’établir à 41 % en 2025 2026, soit le ratio le plus élevé depuis le début de la pandémie en 2020 et 2021.

Avec les taux d’intérêt élevés, il est d’autant plus important pour le Québec de maîtriser son endettement élevé, car l’alourdissement éventuel du service de la dette à l’avenir réduirait le financement d’importantes missions publiques. Nous espérons que les prochains budgets insisteront davantage sur le caractère urgent du redressement budgétaire de la province.


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