Issue #08

Indicateur « Trump » : l’influence du président sur la politique énergétique et climatique
Coup de frein sur les programmes liés aux véhicules électriques (VE) ?
Rencontre avec le « passionné de science » qui est aux commandes de la politique énergétique des États-Unis

Sujets chauds

Une guerre commerciale se profile d’un océan à l’autre. L’équipe Services économiques RBC estime que l’imposition de tarifs douaniers maintenus sur le long terme serait synonyme de récession pour le Canada. Cette mesure serait-elle également défavorable à la politique climatique canadienne ? C’est encore un peu tôt pour le dire, toutefois le fait que la Maison-Blanche accorde plus d’importance à la sécurité énergétique qu’à la transition énergétique pourrait inciter à accroître toute forme d’exploitation de ressources aux États-Unis et au Canada (voir l’article ci-dessous). Cela pourrait y avoir une incidence négative sur le plafonnement de la pollution découlant des activités du secteur pétrolier et gazier au Canada. La taxe sur le carbone pour les consommateurs, que de plus en plus de libéraux et de membres du NDP souhaiteraient abandonner, se retrouve également sur la sellette.

La Colombie-Britannique tire parti de la crise. Compte tenu des menaces de tarifs douaniers américains, le premier ministre David Eby simplifie le processus réglementaire pour le projet North Coast Transmission Line ainsi que pour d’autres projets de réseau à haute tension afin de soutenir le développement de projets visant les minéraux critiques et le gaz naturel liquéfié, entre autres. Le gouvernement accélère également l’approbation des projets d’exploitation de ressources naturelles pour contrer la « menace qui vient du sud de la frontière ». La Colombie-Britannique prévoit une baisse de 0,6 % de son PIB réel entre 2025 et 2026 si les États-Unis décident d’imposer des tarifs douaniers sur les produits canadiens.

Qu’est-ce que le tungstène, le tellure et l’indium ont en commun ? La Chine a interdit l’exportation de ces trois minéraux aux États-Unis, mais ceux-ci peuvent être remplacés en exploitant davantage les ressources canadiennes. En décembre dernier, le Département de la Défense des États-Unis et un fonds d’infrastructures canadien ont investi 35,4 millions de dollars dans la société Fireweed Metals basée à Vancouver pour permettre à celle-ci d’entériner la réalisation de son projet lié au tungstène dans le Yukon, un projet qu’elle détient en totalité. Par ailleurs, le Canada est l’un des cinq premiers producteurs mondiaux de tellure et d’indium, deux minéraux utilisés dans la fabrication de panneaux solaires. À bien des égards, la sécurité énergétique des États-Unis passe par le Canada.

Un dirigeant dans le secteur de la fracturation est nommé secrétaire à l’Énergie aux États-Unis. Chris Wright sera responsable de la diplomatie américaine en matière d’énergie et aura notamment pour mission clé de superviser la Réserve stratégique de pétrole (que les États-Unis souhaitent accroître). Dans son allocution devant le Sénat, celui qui s’est autoproclamé un « passionné de science » s’est engagé à « libérer » le potentiel énergétique américain aux États-Unis comme à l’étranger, à diminuer les coûts d’énergie et à alléger les contraintes administratives. Fervent adepte de la fusion nucléaire et de la géothermie, M. Wright a également balayé les questions des sénateurs américains sur l’augmentation des coûts d’assurance liés aux risques climatiques. Il est resté évasif sur la question d’un recul des investissements dans les énergies renouvelables aux États-Unis. Pour lire ses réponses fascinantes aux questions des sénateurs, cliquez ici.

DeepSeek calme l’emballement autour de l’IA, et ce n’est pas une mauvaise chose. Le succès inattendu de l’application chinoise d’intelligence artificielle (IA) à bas coût a secoué les titres des grandes sociétés technologiques, mais a également fait chuter les titres des producteurs d’électricité indépendants, des producteurs de gaz naturel et des exploitants de gazoducs qui avaient bondi en raison d’une demande record en énergie pour soutenir l’engouement envers l’IA. Il y a soudainement des doutes sur les perspectives des besoins mondiaux en énergie (niveaux actuels qui seraient multipliés par trois à l’horizon 2050). Nous n’en sommes qu’aux prémices, mais les PDG des grandes sociétés technologiques refont l’inventaire de leurs besoins en énergie (à faibles émissions de carbone).

Prix de l’action climatique : Il a récompensé le succès des efforts de conservation visant à réintroduire au Canada les loutres de mer et les faucons pèlerins, deux espèces menacées, sur la base des résultats de nouvelles recherches menées par Laurenne Schiller, et coll. de l’Université Carleton.

Coup de frein sur les programmes liés aux véhicules électriques (VE)

Même si les programmes liés aux VE pourraient être remis en cause lors des prochaines élections, ils sont pour le moment maintenus par Ottawa (20 % de toutes les ventes de voitures neuves devront être des VE d’ici 2026 et 100 % d’ici 2035). Les ventes de VE ne progressent plus, et ce, bien avant que le contexte politique jette une ombre sur ce marché. Premièrement, Ottawa a mis fin à son programme d’aide à l’achat de VE après avoir contribué à la mise en circulation de 546 000 VE. Deuxièmement, le Québec a temporairement suspendu son généreux programme Roulez vert jusqu’au 31 mars.

Si les programmes fédéraux liés aux VE sont reconduits au Canada après les prochaines élections, les constructeurs automobiles devront acheter des crédits à leurs concurrents afin de compenser leur retard s’ils n’atteignent pas leur quota de vente. En 2023, Tesla a récolté plus de 1,8 milliard de dollars US à l’échelle mondiale en vendant des crédits réglementés et deviendra l’un des principaux vendeurs de crédits ici au Canada, ce qui devrait amplement suffire à alimenter le secteur. (Cela explique pourquoi le fondateur de Tesla Elon Musk réclame l’arrêt des mesures incitatives pour les VE aux États-Unis.)

Troisièmement, l’annulation des mesures incitatives pour les VE décidée par la nouvelle administration américaine contraindra les constructeurs automobiles à revoir leurs plans d’électrification, alors qu’ils les ont déjà retardés à l’heure où ils devraient les accélérer. Alors que les VE représentent environ 20 % des ventes de Hyundai et de Kia au Canada en 2024, d’autres grands constructeurs automobiles devront donner un coup d’accélérateur à leurs objectifs d’électrification pour rattraper l’important retard.

Au final, tous ces facteurs pourraient entraîner une baisse de 2,5 millions du nombre de VE sur les routes canadiennes d’ici 2035 par rapport aux chiffres prévus, et un volume d’émissions de GES supérieur de 10 mégatonnes d’équivalent CO2, soit environ 6 % des émissions actuelles du secteur, selon l’économiste Farhad Panahov de l’Institut d’action climatique RBC.

INDICATEUR « TRUMP »

Les États-Unis modifient substantiellement leur politique climatique. Voici quelques modifications phares (ou devrait-on dire reculs ?) apportées par toute une série de décrets présidentiels et de revirements de politique :

Changement de politique no1 : Abolition des normes en matière d’émissions imposées par l’administration Biden aux constructeurs automobiles.

Conséquence : Possible interruption des projets des constructeurs automobiles au Canada et aux États-Unis visant à fabriquer des véhicules hybrides et électriques plus performants.

Changement de politique no2 : Abrogation des lois sur le plafonnement des émissions adoptées dans les États américains, comme celles de la Californie, qui visent à limiter les ventes de voitures à essence ; annulation de l’objectif de 50 % de VE sur le total des ventes de voitures neuves d’ici 2030 ; abandon de l’objectif de zéro émission pour l’ensemble de la flotte fédérale d’ici 2035.

Conséquence : Incertitude autour de la production de VE, mais il n’est pas certain que ce changement aura une incidence sur les crédits d’impôt pour les VE ou sur d’autres politiques en faveur des VE qui sont inscrites dans le code fiscal ou dans la loi sur la qualité de l’air (Clean Air Act).

Changement de politique no3 : Déclaration de l’état d’urgence énergétique nationale visant à accroître le nombre de forages, de pipelines, de raffineries, de centrales électriques et de réacteurs, et à « augmenter massivement les capacités d’approvisionnement en énergie du pays ».

Conséquence : Au cours des dernières années, les producteurs de pétrole avaient maintenu une discipline budgétaire et procédé à des distributions aux actionnaires plutôt qu’à des investissements pour augmenter leurs capacités de production. Trump a également exhorté les pays de l’OPEP à ouvrir les vannes pour augmenter la production de pétrole à une période où la demande mondiale de pétrole est atone. Toutefois, une récente mise aux enchères de droits de forage dans une réserve naturelle en Alaska n’a reçu aucune offre, ce qui suggère que les producteurs ne sont pas encore prêts à « forer, forer ».

Changement de politique no4 : Retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, un accord mondial visant à apporter des réponses aux enjeux climatiques.

Conséquence :
Les États-Unis seront les grands absents de plusieurs initiatives mondiales visant à lutter contre les changements climatiques, ce qui suggère une divergence dans l’approche internationale pour combattre le réchauffement planétaire.

Changement de politique no5 : Annulation de l’objectif de 100 % d’électricité produite sans pollution par le carbone d’ici 2035.

Conséquence : Coup porté aux secteurs de l’éolien et du solaire, qui devaient procéder à des investissements record pour augmenter leurs capacités de production d’électricité propre en 2024 et éventuellement en 2025.

Au cas où vous l’auriez manqué :

Los Angeles after the fires: ‘You can only live in a disaster zone for so long’ (Los Angeles après les incendies : « On ne peut simplement pas vivre éternellement dans une zone sinistrée »)

The rise of the Net-Zero Dad (montée d’une génération de « parents carboneutres »)

Trump’s cash freeze is making clean energy projects collapse (le gel des fonds décidé par Trump fait échouer des projets liés aux énergies propres)

Hotel rooms in Brazil would cost US$15,000 a night for COP30 delegates (les délégués à la COP30 pourraient devoir débourser 15 000 USD par nuit pour une chambre d’hôtel au Brésil)

Davos 2025 : Searching for nuggets in the new golden age (Davos 2025 : exploration d’un nouvel âge d’or)

L’institut à l’œuvre

Liste de lecture de l’équipe : Range : Le règne des généralistes : Pourquoi ils triomphent dans un monde de spécialistes de David Epstein, Code Source de Bill Gates, et Supremacy : AI, ChatGPT and the race that will change the world de Parmy Olson.

Créé par Yadullah Hussain, Directeur de rédaction, RBC Institut d’action climatique.

le bulletin Bouleversements climatiques ne pourrait pas exister sans la collaboration de John Stackhouse, Myha Truong-Regan, Sarah Pendrith, Farhad Panahov, Lisa Ashton, Shaz Merwat, Vivan Sorab, Caprice Biasoni et Frances Dawson.

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