Les agriculteurs des deux côtés de la frontière s’inquiètent au sujet de deux minéraux critiques essentiels à la sécurité alimentaire du continent : la potasse et le phosphate. La codépendance des deux pays à l’égard de ces minéraux, ingrédients essentiels et non substituables des engrais, démontre à quel point des deux économies sont intégrées.
En 2024, le Canada s’est approvisionné en phosphate auprès des États-Unis à hauteur de 44 %, après une dépendance quasi totale en 2022 et 2023, où 95 % de ses importations de phosphate provenaient de mines américaines, situées principalement en Floride. Les phosphates, qui représentent environ un quart des engrais utilisés au Canada, sont des nutriments essentiels pour stimuler la croissance des plantes et le rendement des cultures.
En 2024, 44 % du phosphate importé par le Canada provenait des États-Unis
Importations de phosphate du Canada par pays, 2019-2024, en pourcentage
Sources : Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Leadership avisé RBC
De leur côté, les États-Unis souffrent d’un grave déficit en potasse, un stimulant végétal qui augmente le rendement des cultures et renforce la résistance aux maladies. Les États-Unis importent généralement plus de 80 % de leur potasse de producteurs canadiens, principalement situés en Saskatchewan. Ceux-ci ont augmenté leur part de marché depuis que les sanctions contre le principal producteur de ce minéral, le Belarus, ont été renforcées en 2022 en raison de son soutien à la Russie dans la guerre contre l’Ukraine. En 2024, 83 % des importations totales d’engrais potassiques provenaient du Canada, une valeur de 4,1 milliards de dollars, comparativement à 76 %, soit 3,7 milliards de dollars, en 2021. Les engrais potassiques représentent 23 % des engrais utilisés aux États-Unis.
Quatre-vingt-trois pour cent des engrais potassiques utilisés aux États-Unis proviennent du Canada
Importations américaines d’engrais potassiques par pays, en pourcentage
Sources : US Census Bureau ; Leadership avisé RBC
Alors que les États-Unis cherchent à exercer des pressions commerciales sur le Canada, les agriculteurs nord-américains craignent que les produits agricoles, notamment les engrais phosphatés et potassiques, entrent dans la mire de Washington et d’Ottawa s’ils décident de cibler leurs vulnérabilités mutuelles.
Les perspectives d’obtenir des quantités importantes d’engrais d’autres sources étant limitées, du moins à court terme, les agriculteurs du continent sont sur le qui-vive :
Des coûts plus élevés, des marges plus faibles : Déjà ébranlés par la baisse des prix des céréales, les agriculteurs canadiens et américains s’attendent à des factures d’engrais plus élevées si les gouvernements américain et canadien s’attaquent aux phosphates et au potassium advenant une escalade des droits de douane réciproques. Un rapport d’ICIS, qui surveille les produits de base, souligne que les agriculteurs sont divisés sur la question de savoir si les engrais seront frappés par des tarifs douaniers de 25 %, de droits inférieurs, ou si ces mesures verront le jour. Il y a d’ailleurs fort à parier que les géants de l’agroalimentaire des deux pays obtiendront une exemption.
Des solutions de rechange limitées : À la suite des contrôles des exportations chinoises de phosphate en 2022, le Canada a accru sa dépendance à l’égard des États-Unis, bien qu’il ait commencé à s’approvisionner en phosphate auprès de l’Égypte en 2024. Comme il est peu probable que la Chine reprenne ses exportations de nutriments phosphorés dans un avenir proche, il faut s’attendre à ce que le marché mondial se précipite pour s’approvisionner.
L’augmentation de la production canadienne de phosphate ne sera ni facile, ni rapide : Certaines mines de phosphate sont en cours de développement au Québec, mais en raison des longs délais de construction, il est peu probable que le Canada réduise sa dépendance à l’égard des États-Unis dans un avenir proche. Le Maroc, eldorado du phosphate dont les réserves s’élèvent 5,7 milliards de tonnes, pourrait être une option. Toutefois, compte tenu des faibles niveaux de stocks en Amérique du Nord et de l’augmentation de la demande alimentaire mondiale dans un contexte de raréfaction des terres cultivables, le Canada devra faire face à une concurrence acharnée de la part d’autres acteurs du marché.
Les tensions commerciales représentent une occasion pour la potasse canadienne : Produisant près d’un tiers de la potasse mondiale, le Canada devance la Russie (19 %) et la Biélorussie (15 %), et dispose d’un solide réseau de 11 mines de potasse actives et de 8 projets en phase de développement. La phase 1 de la mine Jansen du conglomérat minier BHP est à moitié achevée. La production devrait commencer à la fin de 2026, et sa capacité devrait atteindre 4,15 millions de tonnes par an dans les deux ans, faisant augmenter la production canadienne d’environ 28 %. On estime également qu’il est possible d’accroître la production des mines canadiennes existantes de 4,6 millions de tonnes par an, ce qui permettrait au pays de dominer le marché mondial de la potasse.
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