Les données récentes révèlent indiquent une trajectoire troublante

Au milieu de 2020, nous avons signalé que les Canadiennes avaient pâti plus que les hommes de la récession provoquée par la pandémie et qu’il continuerait d’en être ainsi. En quelques semaines à peine au printemps, la COVID-19 a mis un frein à trois décennies d’amélioration de la participation des femmes au marché du travail, ce qui annonce une reprise de l’économie canadienne plus lente que ce ne serait le cas autrement. Malgré les rebonds notables de l’emploi dans son ensemble et du PIB au cours des derniers mois, la pandémie continue d’assombrir l’avenir de nombreux secteurs dans lesquels les femmes étaient fortement représentées. De plus, la pandémie a alourdi les responsabilités familiales que les femmes assument habituellement.

C’est là une trajectoire divergente et troublante que les Canadiennes continuent de suivre, même si les Canadiens ont largement récupéré le terrain perdu au début de la pandémie.



Principales constatations

  • Entre février et octobre, 20 600 Canadiennes ont quitté la population active, tandis que près de 68 000 hommes l’ont intégrée.
  • Les femmes de deux groupes clés quittent la population active plus rapidement, soit les femmes âgées de 20 à 24 ans et celles âgées de 35 à 39 ans.
  • Les femmes occupent une place prépondérante dans les secteurs les plus durement touchés et elles sont surreprésentées dans les secteurs moins favorables au télétravail.
  • Les femmes qui quittent la population active risquent de subir une dégradation des compétences qui pourrait aggraver l’écart salarial entre les sexes qui existait avant la pandémie.

    Les femmes quittent la population active alors même que les hommes la réintègrent

    Entre février et avril, plus de 3 millions de Canadiens ont perdu leur emploi ; près de la moitié d’entre eux sont des femmes. En octobre, environ 2,4 millions de ces personnes, dont la moitié sont des femmes, avaient retrouvé un emploi. Cependant, les résultats sur le marché du travail n’indiquent pas toujours une répartition égale entre hommes et femmes. Entre février et octobre, 20 600 femmes ont quitté la population active, tandis que près de 68 000 hommes l’ont intégrée. En fait, le nombre de femmes ne faisant pas partie de la population active a augmenté de 2,8 % depuis février.

    De février à octobre, environ 64 % de l’augmentation du nombre de personnes qui ne sont pas incluses dans la population active, c’est-à-dire celles qui ont perdu leur emploi, qui ne sont pas temporairement mises à pied et qui ne cherchent pas de travail, est attribuable aux Canadiennes. La majorité des hommes qui perdent leur travail cherchent activement un nouvel emploi (ce qui signifie qu’ils sont considérés comme sans emploi). Parallèlement, une proportion importante de femmes ont choisi de ne pas chercher un nouvel emploi (elles ont été considérées comme ne faisant pas partie de la population active).

    Pourquoi les femmes quittent-elles le marché du travail alors même que les hommes dépassent les niveaux de participation d’avant la COVID-19 ?

    1. Les femmes sont plus susceptibles d’occuper des postes dans les secteurs qui ont été plus lents à se rétablir et qui sont aussi plus exposés à un second confinement.
    2. La capacité des femmes à travailler à domicile peut être plus limitée que celle des hommes, surtout si l’on tient compte du rôle plus important qu’elles jouent dans les domaines de l’hébergement, du commerce de détail et des arts.
    3. La pandémie a alourdi les responsabilités familiales des femmes : certaines garderies ont réduit la taille des groupes, et de nombreux enfants d’âge scolaire passent une partie ou la totalité de leurs heures de classe en ligne. La situation, bien que temporaire, peut forcer plus de femmes à choisir de ne pas travailler à l’extérieur du foyer.

    La tendance des femmes à quitter la population active alors même que les hommes la réintègrent rend cette récession différente des précédentes. Lors de la récession de 2008-2009, les hommes ont absorbé davantage de pertes d’emploi et ont été plus lents à réintégrer la population active.

    La nature des emplois des femmes et l’incidence de la COVID-19

    Les Canadiennes étaient plus susceptibles d’occuper des postes de service à la clientèle et de travailler dans des secteurs comme l’hébergement et les services alimentaires, qui ont été durement touchés par la récession. Les secteurs dans lesquels les femmes travaillaient et le fait qu’elles sont plus susceptibles d’être employées à temps partiel expliquent approximativement les deux tiers de leurs pertes d’emploi.



    En octobre, le secteur de l’hébergement et de la restauration a connu des pertes d’emplois mensuelles pour la première fois depuis avril, alors que la relance temporaire suscitée par les voyages d’été locaux et la restauration en plein air a pris fin. Parmi les 48 000 travailleurs de ce secteur qui ont perdu leur emploi en octobre, environ 80 % étaient des femmes. En fait, la diminution de la participation à la population active dans ce secteur est attribuable aux femmes dans une proportion équivalant à près du double de celle des hommes. Les craintes d’une deuxième vague ont sans doute été largement prises en compte dans leur décision de quitter la population active.



    Par ailleurs, les hommes ont bénéficié de certaines tendances du marché du travail liées à la pandémie. De février à octobre, le secteur des services professionnels, scientifiques et techniques a embauché 55 000 travailleurs alors que les activités de commerce électronique montaient en flèche. Les trois quarts de ces postes ont été comblés par des hommes.

    De plus, le type de travail dicte l’emplacement du lieu de travail. Les hommes sont surreprésentés dans les services professionnels, scientifiques et techniques ainsi que dans les services aux entreprises, services aux bâtiments et autres services de soutien (y compris la gestion des sociétés et des entreprises). Ces secteurs sont plus propices au télétravail. Les restaurants, les bars et les commerces de détail, où les femmes sont très présentes, n’offrent pas cette souplesse.

    La population active en deux générations

    Parmi les femmes, deux groupes d’âge clés quittent la population active dans une plus grande mesure : les jeunes femmes et les femmes les plus susceptibles d’élever de jeunes enfants. La taille de la population active pour les femmes âgées de 20 à 24 ans a diminué d’environ 4,6 % entre février et octobre, alors que la participation des jeunes hommes à la population active est devenue positive. Ce n’est pas particulièrement surprenant. Aujourd’hui au Canada, les jeunes femmes sont plus instruites que leurs homologues masculins, et plus des trois quarts des femmes âgées de 20 à 24 ans qui ne faisaient pas partie de la population active en octobre étaient inscrites à un établissement d’enseignement postsecondaire. Il faut en déduire que de nombreuses jeunes femmes choisissent de retourner aux études ou de se recycler dans un contexte de récession.




    Étant donné que les jeunes Canadiennes se préparent en vue d’une vie professionnelle après la crise, leur sortie de la population active est moins inquiétante que celle des femmes de 35 à 39 ans, qui quittent la population active en masse. La participation a aussi baissé parmi les hommes de ce groupe d’âge, mais pas autant que chez les femmes. En fait, près de la moitié des femmes de ce groupe d’âge qui ont perdu leur emploi depuis février n’ont pas cherché du travail. La maternité semble expliquer cet état de fait. Les femmes ayant des enfants de moins de six ans formaient 41 % de la population active en février, mais elles représentent les deux tiers des personnes ayant quitté la population active. Cette tendance ne diffère pas en fonction du niveau de scolarité, puisque les mères diplômées et celles qui ne le sont pas choisissent de se concentrer sur leurs responsabilités parentales à la maison.



    Conclusion

    La deuxième vague de la COVID-19 et les nouvelles restrictions touchant l’activité économique ne provoqueront pas un choc de la même ampleur que celui qui a frappé le Canada au printemps. D’abord, les secteurs, y compris le commerce de détail, ont commencé à s’adapter à un mode d’exploitation plus numérique. Néanmoins, tout événement ayant pour effet de prolonger les difficultés de certains secteurs et de garder plus d’enfants à la maison risque de retarder le retour des femmes au sein de la population active. Ce retard pourrait avoir de lourdes conséquences sur la réduction de l’écart salarial entre les sexes et l’acquisition par les femmes des compétences dont elles auront besoin dans une économie en pleine transition.


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