Énoncé Économique De L'automne 2020

Il s’est écoulé près de cinq mois depuis que le gouvernement a fait le point sur sa période de dépenses la plus importante à ce jour, et près de 18 mois depuis la présentation de son dernier budget quinquennal officiel. La dernière fois que le gouvernement a déposé un budget complet, des termes comme « équipement de protection individuelle » et « entente sur les vaccins » ne faisaient pas partie du vocabulaire courant des Canadiens. La mise à jour d’aujourd’hui, qui compte 275 pages, fait état d’une légère amélioration des perspectives économiques, d’une détérioration du déficit, et de la possibilité d’un important plan de relance futur. Au cours d’une année normale, l’un ou l’autre de ces éléments serait notable ; ensemble, ils représentent des dépenses historiques. Voici ce que nous avons retenu du rapport d’aujourd’hui.

Le gouvernement prévoit dépenser près de 382 milliards de dollars de plus qu’il ne récoltera en 2020-2021, ses interventions face à la COVID-19 ayant fait grimper de 275 milliards de dollars les coûts des programmes. C’est 39 milliards de dollars de plus que les prévisions contenues dans le portrait budgétaire de juillet, du fait essentiellement de nouvelles dépenses. La mise à jour financière comprend aussi une prévision sur six ans, qui table sur des déficits de 121 milliards de dollars en 2021-2022 et de 51 milliards de dollars en 2022-2023, avant toute initiative de dépenses majeure liée aux engagements pris dans le discours du Trône de l’automne.



La grande inconnue dans l’annonce d’aujourd’hui ne sera révélée que dans le budget du printemps : la façon dont le gouvernement mettra en œuvre les stimulants supplémentaires de 70 à 100 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. Par conséquent, les dépenses de programmes augmenteront fortement à moyen terme, mais le gouvernement précise que cette stimulation sera temporaire et axée sur la croissance. Seul l’avenir le dira.

L’incertitude a diminué, mais des risques planent encore sur les perspectives des dépensess

La participation aux programmes de soutien pourrait être inférieure à ce que prévoit le gouvernement, qui a réduit de 27 milliards de dollars leurs coûts prévus. Grâce à l’évolution de l’économie depuis juillet, les perspectives budgétaires se sont améliorées de 14 milliards de dollars par rapport aux attentes de cet été. L’élargissement des programmes, l’approvisionnement supplémentaire en équipement de protection individuelle, le financement des établissements de soins de longue durée et les tests de dépistage ont accru le total des coûts. En tout, les dépenses annoncées depuis juillet s’élèvent à 79 milliards de dollars sur deux ans et celles présentées aujourd’hui ajoutent environ 52 milliards de dollars pour la même période. Parallèlement, les revenus ont chuté et ils se redresseront au cours des prochaines années.

En matière d’activité économique, la fourchette des estimations s’est considérablement rétrécie depuis l’aperçu de juillet. Toutefois, l’incertitude persiste quant à l’incidence économique des mesures de confinement au cours de l’hiver. Le gouvernement a présenté deux scénarios possibles dans lesquels les restrictions en matière de santé publique aggraveraient le déficit. Dans un scénario d’éclosions entraînant des fermetures, mais touchant seulement les services à forte proximité physique comme les restaurants et les divertissements, le déficit augmenterait de 7 milliards de dollars cette année ainsi que l’an prochain. Dans un scénario plus pessimiste comprenant des mesures de confinement plus strictes, qui limiteraient l’activité aux sorties essentielles, comme au printemps, l’incidence sur le déficit serait plus du double, soit de 16 milliards de dollars par année.

Le plan de relance de 70 à 100 milliards de dollars sur trois ans prévu par le gouvernement, qui dépendra du portrait économique que brossera le marché du travail, ajoute à cette incertitude. La mise à jour a fourni peu de renseignements sur les règles qui régiront ces dépenses et semble indiquer qu’elles seront définies dans le budget du printemps. Si ces mesures s’apparentent aux transferts en matière de soutien du revenu observés jusqu’à présent, et qu’elles sont mises en œuvre plus tard au cours de la période de prévision de cinq ans, elles risquent d’offrir des stimulants lorsque cela ne sera plus nécessaire. Nous espérons donc que le budget 2021 comprendra un plan d’investissements favorisant la croissance et contribuant à réduire la dette nationale grandissante (qui atteindra un sommet de 52,6 % du PIB, sans stimulation supplémentaire).



Le gouvernement a indiqué que les fonds de relance serviront à financer des programmes temporaires, ce qui permet de penser que l’augmentation de la dette pourrait survenir sous peu et n’aggraver que légèrement la situation. Il note toutefois qu’une nouvelle cible budgétaire ne sera définie que lorsque l’économie sera plus stable, ce qui laisse beaucoup de place à l’incertitude pour l’instant.

Soutien élargi aux entreprises

Les versions élargies de la Subvention salariale d’urgence du Canada et de la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer ont constitué des ajouts importants à l’annonce d’aujourd’hui. La subvention salariale se poursuivra jusqu’en juin 2021, mais le gouvernement a annoncé aujourd’hui que le programme serait plus généreux en raison d’une deuxième vague. Ainsi, le taux maximal de la subvention augmentera à 75 % jusqu’à la mi-mars, plutôt que de diminuer comme le gouvernement l’avait prévu. Le taux actuel de la subvention pour le loyer et le soutien additionnel aux entreprises dont les activités sont paralysées ont également été prolongés jusqu’à la mi-mars. Ces programmes améliorés, s’ils sont adoptés comme prévu, coûteront 16 milliards de dollars de plus cette année et l’an prochain, et fourniront un soutien essentiel aux entreprises canadiennes et à leurs employés.

Le gouvernement a également annoncé un soutien ciblé pour les secteurs les plus touchés, comme nous l’avions envisagé la semaine dernière, couvrant les sociétés aériennes régionales, les aéroports, le secteur des arts et des événements en direct, ainsi que le tourisme et l’hôtellerie. L’aide sera principalement accordée par voie de prêts à faible taux d’intérêt dont les périodes de remboursement pourront atteindre dix ans. Structuré sous forme de prêts, ce soutien devrait coûter fort peu au gouvernement fédéral (d’éventuelles pertes sur prêts et les intérêts sur la dette utilisée pour financer les prêts). Cependant, comme les entreprises canadiennes sont déjà fortement endettées, la participation pourrait ne pas être très élevée. Néanmoins, ces entreprises bénéficieront des autres programmes mentionnés ci-dessus pendant encore un certain temps.

Jusqu’à présent, les dépenses consacrées à la relance sont relativement limitées et orientées vers la croissance

Comme nous l’avions anticipé dans notre aperçu, la plupart des dépenses annoncées aujourd’hui consistent en fait à prolonger des programmes qui aideront les entreprises à traverser la crise. Des mesures de relance ciblées de près de 13,5 milliards de dollars sur six ans indiquent par ailleurs sur quoi le gouvernement pourrait centrer son intervention. En temps normal, nous considérerions que ce sont là des dépenses importantes.

Le gouvernement a prévu une hausse temporaire de l’Allocation canadienne pour enfants destinée aux enfants de moins de six ans issus de famille à faible revenu ou à revenu moyen. La mesure coûtera 2,4 milliards de dollars. Le versement devrait aider ceux qui ont de la difficulté à se payer des services de garde d’enfants du fait qu’ils travaillent moins d’heures, mais le gouvernement remet à des budgets ultérieurs l’apport de changements plus complets au système canadien de garderies. Des investissements visant l’embauche d’éducateurs de la petite enfance pourraient illustrer le genre de programmes que le gouvernement fédéral a en tête.

Les initiatives liées aux changements climatiques bénéficieront d’un financement important plus tard au cours de la période de prévision de cinq ans. Des sommes seront alors consacrées à des solutions climatiques naturelles (p. ex., plantation d’arbres), au prolongement du soutien aux véhicules zéro émission et à la rénovation d’immeubles par les propriétaires. Le gouvernement a en outre indiqué qu’il était favorable à des ajustements à la frontière pour le carbone. Il appliquerait ainsi la taxe canadienne sur le carbone aux biens et services importés, mais promet de discuter avec des partenaires internationaux afin de s’assurer que son système est équitable pour les entreprises. Il reste à voir à quel point un tel système serait pertinent pour les entreprises canadiennes, qui pourraient voir leurs exportations être taxées par d’autres pays.

Les investissements visant à soutenir l’acquisition de compétences et la formation, en particulier chez les jeunes et les Autochtones, viendront ajouter 1,2 milliard de dollars aux dépenses. Ils viseront notamment à éliminer les intérêts sur les prêts aux étudiants en 2020-2021 de même qu’à renforcer les programmes d’emplois d’été et le placement. Le gouvernement veut ainsi limiter les fortes répercussions de la récession sur les jeunes et contribue à réduire les conséquences à long terme que les groupes visés subiront sur le marché du travail.

Les mesures visant à accroître les revenus sont ciblées et limitées

Le gouvernement a annoncé qu’il entendait taxer les biens et les services numériques, ainsi que les ventes de produits provenant de grands entrepôts au Canada faites sur des plateformes en ligne. Il entend également assujettir les entreprises concernées à l’impôt sur le revenu des entreprises, devançant ainsi des organismes internationaux qui ont tenté de coordonner une telle intervention entre les pays développés. Bien qu’il s’agisse d’une hausse modérée – 6,5 milliards de dollars sur cinq ans –, cette annonce montre le désir du gouvernement d’accroître ses revenus.

Ce qui aurait pu être considéré autrefois comme une importante proposition fiscale paraît aujourd’hui bien mince au regard des déficits à long terme. La dette augmentera donc cette année et l’année prochaine, puis commencera lentement à baisser. Toutefois, d’autres mesures de relance ne sont pas encore prises en compte et pourraient faire que la dette continue de croître. Le gouvernement pourrait alors être tenté de trouver d’autres sources de revenus, plus importantes.

Les besoins financiers sont moindres que prévu

Malgré l’ampleur du déficit, les besoins financiers pour 2020-2021 ont été revus à la baisse, passant de 469 milliards de dollars canadiens dans l’aperçu de juillet à 448 milliards de dollars canadiens aujourd’hui. L’accroissement des dépenses a été plus que compensé par l’annulation d’achats de prêts hypothécaires assurés équivalent à 50 milliards de dollars. L’émission globale d’obligations d’une valeur de 374 milliards de dollars correspond aux récentes mises aux enchères et à leur fréquence pour chaque secteur : baisse de 35 milliards de dollars dans les obligations à court terme (2 ans, 3 ans et 5 ans), et maintien des adjudications d’obligations à 10 ans (74 milliards de dollars) et à 30 ans (32 milliards de dollars) aux niveaux de juillet. Les émissions sont d’ailleurs légèrement plus nombreuses dans cette catégorie. La principale surprise a été l’augmentation prévue du stock de bons du Trésor de fin d’exercice à 329 milliards de dollars, une hausse de 35 milliards de dollars par rapport aux données de juillet. C’est aussi bien au-dessus des données récentes, qui approchaient les 250 milliards de dollars canadiens. Les variations apportées aux obligations et aux bons, combinées à des besoins financiers inférieurs pourraient signifier une augmentation du solde de caisse du gouvernement du Canada de l’ordre de 21 milliards de dollars à la fin de l’exercice. Le gouvernement prévoit des besoins financiers de 118 milliards de dollars canadiens en 2021-2022 et de 26 milliards en 2022-2023. Ce dernier chiffre reflète une part du remboursement des prêts accordés dans le cadre du CUEC. Aucun de ces chiffres ne tient en outre compte des mesures supplémentaires qui pourraient être mises en place entre 2021-2022 et 2023-2024, et dont le coût se situerait entre 70 et 100 milliards de dollars.


Projections tirées de l’Énoncé économique de l’automne 2020



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