Gil Moore a d’abord connu le succès en tant que batteur et chanteur du groupe de rock canadien Triumph. Il a consolidé ce succès dans le monde des affaires, à titre de chef de la direction de Metalworks, le plus grand studio d’enregistrement au Canada, situé à Mississauga, en Ontario. Pendant des décennies, M. Moore a évolué dans le domaine des arts et de la musique, enregistrant les œuvres de Drake, Guns N’Roses, Katy Perry et d’autres artistes. Cette expérience lui a donné une perspective unique sur ce qui alimente la créativité.

M. Moore, âgé de 68 ans, a parlé des virtuoses, de l’adversité et de la valeur du travail de longue haleine avec les co-animateurs de la baladodiffusion de la série Les innovateurs, John Stackhouse et Trinh Theresa Do.

 

Les premiers mots de la chanson du groupe Triumph intitulée Magic Power sont : “I’m young, I’m wild, and I’m free. » (« Je suis jeune, je suis indomptable et je suis libre. » – traduction libre.) Doit-on vraiment être jeune, indomptable et libre pour être créatif ?

Je ne pense pas qu’il y ait de limites à la créativité, lorsqu’il est question de l’âge. En fait, je me sens plus créatif aujourd’hui que lorsque j’étais plus jeune, ne serait-ce que parce que je réfléchis plus. Vous envisagez les choses d’une manière plus complexe. C’est cela qui mène à la créativité, je crois.

L’âge de 27 ans n’est-il pas l’âge légendaire où la créativité atteint un sommet et commence à diminuer par la suite ?

La créativité est plus étroite quand on est plus jeune. Vous voyez l’avenir à travers une paille. Je sais que c’était comme ça en grandissant. Mon père m’a dit plusieurs fois : « Gil, tu n’as toujours qu’une seule idée en tête. » Je pense que c’est formidable de se concentrer sur une seule chose. Mais au fil du temps, il faut avoir une vision plus grande du monde qui nous entoure.

Parlez-nous de votre jeunesse. Quand avez-vous pris conscience que vous étiez créatif ?

Je ne savais pas que je l’étais ; j’ai toujours pensé que j’apprenais assez lentement.

Les créatifs ne sont-ils pas ceux qui apprennent lentement d’habitude ?

C’est ce qu’on dit partout. Chez les virtuoses, ce que je n’étais pas, vous pouvez voir leur talent croître de façon explosive. Ensuite, il y a les autres comme nous pour qui, comme Gordon Lightfoot l’a dit un jour, c’est 95 % de transpiration et 5 % d’inspiration. Grâce à la répétition et à l’acquisition de compétences, il devient possible d’exploiter la créativité. Les « j’aurais dû », « j’aurais aimé » et « j’aurais pu » perdent leur emprise sur ceux qui travaillent vraiment 10 000 heures.

Y a-t-il un moment où vous vous êtes rendu compte que vous étiez doué ? Vous présentez ça comme si c’était un long parcours.

J’y vais avec le long parcours. Je n’ai jamais vraiment cru que j’avais un talent particulier. Je pense que souvent, un grand moment créatif est simplement composé de cet effort culminant et des compétences qui ont été acquises. Certains disent que c’est de la chance.

Quelle est la différence entre une personne qui a connu du succès dans la majorité des cas et une personne qui possède un talent comparable et qui devient musicien de rue ?

S’il s’agissait uniquement de compétences créatives – je parle seulement de musique en ce moment – il serait facile de définir le succès parce qu’il s’agirait de regarder les capacités de performance, tout simplement. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Des circonstances se présentent et n’ont rien à voir avec les compétences.

Qui est la personne la plus créative que vous ayez rencontrée au cours de votre carrière ?

À une certaine époque, j’ai été très proche de Buddy Rich. Il jouait de la batterie d’une façon qui, à mon avis, pouvait sembler inconcevable, même pour les batteurs. Il y avait en lui une furie et une effervescence qu’il arrivait en quelque sorte à exprimer avec ses bras et ses jambes. Ce qu’il arrivait à faire avec la batterie et les cymbales est un mystère. Je n’ai jamais pu comprendre autrement que… nous revenons au mot virtuose, encore.

Qu’est-ce qui rend quelqu’un incroyablement créatif ?

La détermination a beaucoup à voir avec ça. Je ne pense pas que quelqu’un soit créatif, qu’il se lève le matin et que le soleil brille. J’ai lu à propos de Warren Buffett aujourd’hui. Que sait Warren Buffett de la créativité ? Beaucoup de gens me diraient : « De quoi parles-tu ? Les investisseurs ne sont pas des gens créatifs. » Euh, oui, ils le sont.

Qu’avez-vous appris de Warren Buffett ?

La patience. Que les réactions impulsives et rapides conduisent à l’échec dans la vie comme en affaires, les relations interpersonnelles en particulier. Qu’il faut avoir de la patience et être capable d’écouter les autres, de traiter l’information et ensuite de prendre ce que j’appelle des mesures modérées. Je ne veux pas dire qu’il faille laisser la peur nous figer. Je veux simplement dire qu’il faut avoir la patience de digérer vraiment l’information, de la « laisser mariner » et de prendre une décision créative.

Comment arrivez-vous à trouver des paroles qui demeurent à travers les générations ?

Je pense que parfois ça vient comme par magie, et c’est vraiment agréable quand c’est le cas. Et vous ne pouvez pas vraiment l’expliquer. Je ne sais pas s’il y a un système, bien que je dirais que, si vous parlez à des écrivains, ils auront généralement un système.

Quel est le rôle de la douleur ou de l’adversité ?

Je pense que la peur mène à la créativité. Et que l’adversité mène aussi à la créativité, mais pour des raisons différentes. Cela ressemble à la réaction des animaux qui vont s’enfuir ou combattre ; c’est comme s’il fallait ça pour activer le robinet de la créativité. Là où la créativité s’éteint, c’est dans la colère. Et il y a beaucoup de colère qui vient avec une pandémie. Dès que l’esprit humain passe à la colère, sa capacité à créer se volatilise. Vous devenez simplement un bloc de ciment.

Pouvez-vous parler du rôle de la technologie dans la créativité ?

La technologie a démocratisé l’accès à la production, à la chaîne logistique et aux moyens de distribution. Pour ceux qui en profitent, l’occasion est au point culminant en ce moment. Mais à certains égards – je vais utiliser Instagram comme exemple – l’émulation peut devenir une dépendance ou devenir négative pour les influenceurs de la société.

Quel est le rôle de la créativité dans un monde post-pandémie ?

Une nouvelle normalité va émerger, et je pense que ça peut être bon. C’est la créativité qui résout les problèmes en ce moment. Regardez les employés des grandes sociétés pharmaceutiques qui produisent les vaccins.

Nous n’étions pas assez préparés. Peut-être que cela déclenchera une vive réaction de la part des grands penseurs sur la façon de ne pas répéter cette erreur ou de l’ignorer. Peut-être que le changement climatique, par exemple, va en bénéficier. Peut-être que nous nous dirigeons vers une ère de grande créativité qui vient du fait d’avoir souffert de quelque chose que nous aurions été plus sages de ne pas ignorer en tant que collectivité mondiale.

Le texte de l’entretien a été modifié et condensé à des fins de clarté.

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